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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Métaz connaissait la manœuvre pour aborder aux Eaux-Vives. Elle était délicate, car il ne s’agissait pas de manquer à virer quand la bise gonflait cent vingt mètres carrés de toile soutenus par des antennes pesant près d’une tonne.
     
    Pierre Valeyres, qui tenait la barre, vit arriver Axel avec soulagement et donna ses ordres comme un capitaine.
     
    – Passe l’écoute du trinquet 8 à tribord, mets le foc à bideau 9 , viens au palan d’écoute de la grand-voile et commence à border.
     
    Axel s’exécuta avec célérité, tirant sur les cordages à demi gelés.
     
    – On est sur la bonne-main, fais reprendre le trinquet, s’agit pas d’empanner 10  !
     
    Un instant plus tard, la rive étant très proche, Valeyres donna l’ordre de poser la chaîne 11 et, quittant la barre, vint aider Axel à aplaner les vergues et encapeler les voiles. Ce travail prit du temps et demanda beaucoup d’efforts. Quand il fut achevé, les deux hommes étaient en sueur, malgré le froid.
     
    Emmitouflée dans sa fourrure, Adrienne apparut sur le pont, radieuse comme à son habitude. Elle portait un pot de café qu’elle avait réchauffé sur le poêle de la chambre.
     
    – Ferait une bonne femme de bacouni, murmura Pierre Valeyres, appréciant le geste.
     
    Axel tira sur la remorque pour amener le naviot contre la Charlotte . Le trio y embarqua, puis Valeyres, poussant sur la gaffe, amena les passagers jusqu’à la berge.
     
    Le batelier s’en alla quérir une voiture tandis qu’Axel déchargeait les bagages d’Adrienne. Ils attendirent longtemps, serrés l’un contre l’autre pour se protéger du vent glacé. Valeyres finit par revenir avec le char d’un maraîcher qu’il avait convaincu de se faire voiturier « pour un couple de voyageurs qui paieraient bien ».
     
    – C’est tout ce que j’ai trouvé comme carrosse à c’te heure, dit-il pour excuser ce curieux équipage.
     
    Tandis qu’Adrienne s’installait sans façon à côté du paysan, Axel donna comme consigne à Valeyres de ramener la Charlotte à Vevey.
     
    – Je ne veux pas que tu navigues seul. Il faudra trouver un batelier qui accepte d’aller à Vevey. Tu diras de ma part à Régis de lui payer son retour à Genève en diligence.
     
    – N’aie pas peur. J’ai par là un cousin pintier 12 , bien vigousse 13 , toujours prêt à lever le pied à cause que sa femme bouële 14 toute la journée. C’est un ancien patron de barque, sûr qu’il sera content de venir avec moi.
     

    Adrienne ne voulait pas loger dans un des grands hôtels de Genève, où elle aurait pu faire ce qu’elle nommait de mauvaises rencontres. Le Tsigane, envoyé en éclaireur avec une servante, avait retenu pour elle une chambre à l’auberge de la Roseraie, à Champel-sur-l’Arve, en dehors des fortifications, au-delà de Plain-palais, c’est-à-dire à près d’une lieue du centre de la ville. Le maraîcher promu cocher fit quelques manières pour se rendre aussi loin de la place du Molard, où sa femme avait son étal, mais le charme d’Adrienne et, surtout, la pièce offerte par Axel vinrent à bout de ses réticences.
     
    L’auberge de la Roseraie recevait habituellement des curistes, venus soigner leurs nerfs fatigués à l’établissement d’hydrothérapie voisin. C’était un lieu confortable et discret, où Axel Métaz obtint facilement une chambre contiguë à celle d’Adrienne. Le Vaudois revit avec plaisir Zélia, la suivante d’Adrienne qu’il avait connue à Venise. Toujours enveloppée, de la tête aux talons, dans ses voiles noirs, la sombre Tsigane était regardée avec autant de crainte que de curiosité par le personnel de l’hôtel.
     
    Dès qu’ils furent installés, Adry consentit à donner plus de détails sur les raisons de son voyage à Genève.
     
    – Tu dois savoir, Axou, que de grandes choses se préparent en Europe. Partout les partisans de la liberté des peuples se dressent contre le despotisme des monarques de la Sainte-Alliance. Sais-tu qu’un congrès est actuellement réuni à Laybach 15 , en Autriche-Hongrie, pour décider de la manière dont les puissances vont s’arroger le droit d’intervenir partout contre les libéraux ? Malgré ces menaces, les Piémontais ont, cette fois, bon espoir de contraindre à l’abdication Victor-Emmanuel I er , roi de Sardaigne. Nos agents disent que ce vieux despote pourrait confier la régence à son neveu Charles-Albert, prince de Carignan,

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