Sachso
malades parmi lesquels plus d’une centaine de Français, sous la surveillance constante des docteurs Coudert et Leboucher.
Des médecins militaires soviétiques et polonais viennent les aider dans leur lourde tâche. Des antifascistes allemands qui ont été détenus de longues années à Sachsenhausen organisent le 29 avril une visite pour la population d’Oranienburg, afin de la faire juge des crimes nazis. La fête internationale du 1 er mai est commémorée avec éclat. Des drapeaux rouges et des banderoles qui proclament en russe, polonais, français et allemand « Vive le 1 er Mai ! Vive le combat contre le fascisme et pour la paix et la coopération entre tous les peuples. » sont hissés sur la place d’appel, sur la tour d’entrée, entre des baraques. Des fleurs sont apportées dans les salles du Revier. Au block 4 se tient un meeting avec deux représentants de l’armée rouge, qu’un délégué de chaque nationalité représentée remercie chaleureusement.
Mais les jours qui s’écoulent rendent de plus en plus urgent, pour les docteurs Coudert et Leboucher, le retour en France de leurs malades. Beaucoup ont repris des forces et d’autres réclament des traitements qui ne peuvent leur être fournis qu’à Paris. Il faut discuter, convaincre les médecins soviétiques, qui hésitent à laisser partir des hommes encore handicapés. Finalement, au bout de deux mois, tout est prêt pour le grand départ des Français, cent treize au total.
C’est le soir du 23 juin 1945, une date que le cheminot Henri Pasdeloup a de bonnes raisons de se rappeler : « C’est l’anniversaire de mes quatre années de bagne… Les ambulances nous attendent sur la grande place qui servait autrefois à l’appel… Une motion rédigée par le chirurgien Coudert de Paris et le docteur Leboucher de Caen, est remise au commandant du camp. Elle traduit nos remerciements à l’armée rouge qui nous a rendu la liberté, la vie. Elle a été signée par tous les Français encore vivants et peut-être par certains qui ne sont plus là ce jour… La minute est poignante… »
Au dernier moment, un contretemps surgit pour les grands malades du Revier des tuberculeux que l’on a commencé à brancarder dans une ambulance. La doctoresse-major s’oppose à ce qu’ils voyagent de nuit. Ils ne partiront que le lendemain. Henri Pasdeloup voit ainsi son camarade Rebeyrolle, de Soissons, réintégrer l’infirmerie, cruellement déçu. Quant à lui, il se hisse dans une des ambulances qui sont bientôt toutes pleines, pendant que l’officier français qui supervise l’opération signe les dernières décharges : « Vers minuit il revient. Les moteurs tournent, c’est le départ. À ce moment une vibrante “Marseillaise” et “l’internationale” retentissent. Quelle minute ! Les larmes nous coulent des yeux. Nous chantons, mais nous avons la gorge serrée. Nous passons sous le porche d’entrée, franchissons la deuxième porte. Ça y est, nous sommes sortis de ce bagne terrible. Quelle joie, la liberté !
« Nous roulons en direction de Berlin. Il fait noir. Nous ne voyons que peu de choses malgré les arrêts et ralentissements provoqués par les trous de bombes. Nous arrivons dans les faubourgs de Berlin au petit jour et sommes souvent arrêtés par des sentinelles de l’armée rouge. Pas une maison n’est intacte, de belles avenues sont obstruées par les décombres. À six heures, nous entrons sur l’aérodrome de Tempelhof…
« Les ambulances stoppent devant trois grandes tentes-marabouts où nous accueillent des soldats soviétiques et un P. G. français qui parle russe. À l’intérieur, de beaux lits blancs avec des dentelles, par terre des tapis. Nous nous couchions jusqu’à 9 heures et, après un contrôle, on nous sert le petit déjeuner. Puis c’est la toilette et la distribution à chacun de 50 marks… Vers 13 heures, soupe avec beurre et confiture… Il fait chaud, très chaud. Des prisonniers militaires viennent également pour être rapatriés. Contrôle à nouveau par un officier de la police soviétique. Nous attendons nos camarades tuberculeux restés la veille à Sachso. Nous ne les verrons pas : ils seront d’un autre voyage, le lendemain, car nos avions atterrissent avec des Russes rapatriés de France et s’apprêtent à repartir à 15 heures comme prévu.
« Les plus malades d’entre nous sont installés dans des couchettes, les autres assis. Dans mon
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