Sang Royal
souhaitais vous parler, voyez-vous. Que Dieu garde l’âme de votre père !
— Amen, monseigneur.
— Il vivait à Lichfield, n’est-ce pas ?
— Oui, et je dois m’y rendre dans deux jours. Pour l’enterrement.
— Le roi est désormais très au nord de ce lieu. À Hatfield. La caravane royale a connu moult difficultés à cause de toutes les pluies du mois de juillet. Les courriers ont été retardés, ce qui a parfois rendu difficile l’interprétation des désirs du roi. » Il secoua la tête ; une expression d’inquiétude passa sur son visage, confirmant la rumeur que Cranmer n’était pas un politicien habile.
« Nous avons eu un été médiocre, renchéris-je. Aussi pluvieux que celui de l’année dernière avait été sec.
— Heureusement que cela s’est depuis peu amélioré. Le temps avait rendu la reine malade.
— D’aucuns affirment qu’elle est enceinte », risquai-je.
L’archevêque se renfrogna. « Ce sont des ragots. » Il se tut quelques instants comme s’il réfléchissait à la question, puis enchaîna : « Comme vous le savez, l’escorte comporte de nombreux avocats. Il s’agit de la parade royale la plus imposante jamais effectuée en Angleterre et on a besoin d’eux pour apaiser les querelles qui risquent de surgir au sein de la Cour ou avec les fournisseurs en cours de route. » Il prit une profonde inspiration. « En outre, le roi a promis aux Nordistes le bénéfice de sa justice. Comme, dans chaque ville, il invite les habitants à présenter leurs requêtes et leurs plaintes contre les autorités locales, des avocats ont été mandatés pour trier les doléances, en extirper les insignifiantes et les farfelues, arbitrer quand ils le pourront et envoyer le reste au Conseil du Nord. L’un des avocats du roi est mort d’une pneumonie, le malheureux. Les bureaux du grand chambellan nous ont fait parvenir un message priant le Conseil d’envoyer un remplaçant qui devra rejoindre le cortège à York, car il y aura beaucoup à faire dans cette ville. Je me suis alors souvenu de vous.
— Ah ! » Je ne m’étais pas attendu à cela… Il s’agissait d’une faveur, en fait.
« Et voilà qui arrive fort à propos, puisque vous deviez faire la moitié du chemin ! Vous reviendrez le mois prochain avec le cortège et ramènerez cinquante livres pour vos peines. Sachant que vous n’aurez droit qu’à un serviteur, emmenez votre assistant plutôt qu’un valet de chambre. »
L’offre était généreuse, même en regard des fortes sommes que rapportait le service du roi. J’hésitai néanmoins, n’ayant absolument aucune envie d’avoir à nouveau affaire à la Cour. Je pris une profonde inspiration.
« Monseigneur, il paraît que sir Richard Rich fait partie de l’escorte.
— Ah oui ! vous vous êtes fait un ennemi de Rich à propos de l’histoire du feu grégeois.
— Et je suis en train de m’occuper d’un dossier dans lequel il possède certains intérêts. Rich saisira la moindre occasion pour me nuire. »
L’archevêque secoua la tête. « Vous n’avez pas besoin d’avoir quelque rapport que ce soit avec Rich ni avec n’importe lequel des conseillers du roi. Il est là en qualité de chancelier de la Cour des augmentations afin de conseiller le roi sur la répartition des terres saisies aux rebelles du Yorkshire. Les conseillers et le roi ne s’occupent guère des placets, ce sont les avocats qui se chargent de tout. »
Certes, cette mission résoudrait mes problèmes financiers et me permettrait de faire face à mes responsabilités vis-à-vis de mon père. En outre, la perspective d’assister à ce spectacle grandiose ne me laissait pas indifférent. Nul doute que ce serait le voyage de ma vie le plus important, et cela me distrairait peut-être de mon chagrin. Mais mon hésitation persistait.
L’archevêque inclina la tête. « Décidez-vous, messire Shardlake, je dispose de peu de temps.
— J’accepte, monseigneur, et je vous remercie. »
Il opina du chef. « Fort bien. » Puis il se pencha en avant, les lourdes manches de sa tunique bruissant au moment où elles effleurèrent les papiers sur son bureau. « Je voudrais également vous confier une petite mission personnelle. Je souhaiterais que vous fassiez quelque chose pour moi à York. »
Je retins mon souffle. Je l’avais laissé me tendre un piège. C’était donc un bon politicien, quoi qu’on en dise.
Il vit mon expression et secoua la
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