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Sang Royal

Sang Royal

Titel: Sang Royal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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première fois, ce matin-là, l’énorme clocher de l’immense église n’était pas enveloppé de brume. La flèche pointait vers le ciel, tel l’immense doigt d’un squelette.
    Je revêtis ma plus belle robe, ajustai le parement de fourrure, puis mis ma calotte et, par-dessus, mon nouveau bonnet dont j’avais réussi à remplacer l’épingle. Après l’avoir placé avec soin, le bord penché vers la gauche pour dissimuler la plaie, je sortis de ma cabine.
    Partout, les clercs lissaient leurs vêtements et se regardaient dans des miroirs d’acier poli. On n’entendait pas le badinage habituel ; tout le monde avait l’air grave et préoccupé, chacun réfléchissant à l’avance au rôle qu’il devait tenir. Vêtu de son pourpoint rouge, Barak s’appuyait contre la porte de sa cabine et contemplait les clercs, un sourire ironique aux lèvres.
    « Qu’est-ce que tu fais ? demandai-je.
    — J’observe ces gaillards. J’ai décidé de vous attendre pour voir si vous vouliez prendre le petit déjeuner au réfectoire. Vous devriez manger un morceau, car vous ne savez pas quand vous pourrez déjeuner.
    — Oui, allons prendre le petit déjeuner ! acquiesçai-je, ému par sa sollicitude. Comment me trouves-tu ?
    — Apprêté. Ça ne vous ressemble pas. Mais la plaie est bien dissimulée. »
    Nous traversâmes la cour pour gagner le réfectoire, où se pressaient commis et délégués officiels de second rang, qui, comme nous, se sustentaient tant qu’ils en avaient encore l’occasion. Les charpentiers étaient sans doute encore tous au lit, à présent que leur travail était enfin terminé. Là non plus on ne parlait guère et l’atmosphère était un peu tendue. Tout le monde sursauta et tourna la tête quand un valet d’écurie laissa tomber sur le sol une assiette de viande froide. « Sangdieu ! s’écria-t-il, y a de la graisse sur toute ma fichue tunique, maintenant… »
    « Certains ont les nerfs en pelote, ricana Barak.
    — C’est facile à dire pour toi, murmurai-je. Ne t’épuise pas trop à te balader en ville », ajoutai-je ironiquement, au moment où nous nous séparions sur les marches du réfectoire. Il m’adressa un salut moqueur et je me joignis au flot ininterrompu des gens élégants qui se dirigeaient vers le manoir. J’avais l’impression de me trouver sur un navire en partance pour une contrée lointaine et inconnue.
    Dans la cour, le soleil levant faisait luire les feuilles d’or tissées sur la toile des tentes et le plastron de métal poli des soldats, qui, coiffés du casque à aigrette et la hallebarde dressée, montaient la garde devant les pavillons. Les bannières ainsi que les drapeaux écossais et anglais flottaient dans le vent chaud. Des garçons d’écurie faisaient sortir des chevaux de l’église, les sellaient et les attachaient dans l’attente de l’arrivée des maîtres, chaque animal portant un numéro autour du cou. Je cherchai des yeux Genesis. En vain.
    Près du manoir, des dizaines d’hommes en pourpoints, robes et manteaux aux vives couleurs bavardaient en petits groupes. De temps en temps on entendait un éclat de rire nerveux. Je pénétrai dans le manoir.
    À l’intérieur, droits comme des piquets, des soldats au garde-à-vous bordaient les murs de la grande salle. Dans les deux escaliers, des serviteurs peinaient à monter les divers éléments d’un grand lit destiné aux chambres à coucher du roi et de la reine. Lady Rochford et Dereham, le secrétaire de la reine, apostrophaient deux ouvriers qui s’efforçaient de manœuvrer une énorme tête de lit en bois richement décoré dans l’étroit passage menant aux appartements de la reine. Lady Rochford, le visage recouvert d’une épaisse couche de céruse blanche qui cachait son teint rougeaud, portait une robe de brocart rouge fleurdelisé, agrémentée d’un petit sac aromatique garni de bijoux accroché à la taille.
    « Vils manants ! criait-elle d’une voix suraiguë. Vous allez érafler le bord ! Messire Dereham, surveillez-les ! Moi, je dois aller me préparer.
    — Je suis secrétaire, pas intendant », grogna-t-il. De près, sa mine me déplut. Il avait assez fière allure dans sa courte veste doublée de castor, au-dessus d’une énorme braguette en or, mais son beau visage étroit avait un air fuyant.
    « Eh bien, allez quérir le chambellan de la reine ! » lui lança lady Rochford par-dessus son épaule en passant près de moi à vive

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