Sang Royal
Radwinter.
— Oui. On l’a mis nu et on a fouillé ses vêtements.
— Il ne reste donc qu’un seul endroit où il a pu cacher le mouchoir », dis-je en indiquant les taches sombres. Il y eut un moment de silence, puis Maleverer éclata d’un rire incrédule.
« Suggérez-vous que notre homme s’est baladé, un mouchoir de dame fourré dans le derrière ?
— En effet. Il a utilisé un mouchoir de dame parce que c’est plus petit, plus fin. Il n’est donc pas certain qu’il y ait eu une femme dans le coup.
— Mais dans quel but ?
— Pour envelopper quelque chose. » Je n’avais guère envie de retoucher au mouchoir, mais j’en saisis un coin et le dépliai avec précaution. À ma grande déception, il ne recélait rien. J’en approchai mon nez. Le mouchoir dégageait une légère odeur, mais pas de matières fécales. Plutôt de pourri. Je fronçai les sourcils. L’odeur ne m’était pas inconnue, je l’avais déjà humée, récemment. Je me redressai brusquement… Le souvenir me revint. C’était celle que j’avais brièvement perçue émanant de la jambe boursouflée du roi au moment où, la tête baissée, je me tenais devant lui à Fulford Cross.
« De quoi s’agit-il ? s’enquit Maleverer d’un ton sec. Qu’avez-vous découvert, monsieur l’avocat ?
— Je n’en suis pas certain, sir William. Pourrait-on demander au Dr Jibson de venir ? »
Il appela le médecin. Je lui fis part de mes supputations quant à l’endroit où, selon moi, le mouchoir avait été caché et suggérai qu’il avait contenu quelque chose. À contrecœur, il se baissa et approcha son nez du morceau de tissu.
« Quelle est cette odeur ? demandai-je. Quelque poison ? »
Il partit d’un rire amer. « Dieu seul sait que c’est une odeur que je connais bien, hélas ! Une odeur de pourri et de décomposition. Une vraie puanteur.
— Une odeur de poison, dit Maleverer.
— Si c’est le cas, je ne le reconnais pas. »
Les yeux de Maleverer lancèrent des éclairs. « Il l’a gardé dans l’endroit le plus sûr jusqu’à ce qu’il lui ait été loisible de l’utiliser. Il s’est empoisonné pour échapper à ce qui l’attend à Londres. » Je regardai Broderick, qui, à demi conscient, était toujours affalé sur son siège. « Tudieu ! s’écria Maleverer il doit être désespéré !
— Mais il n’a pas reçu la moindre visite, déclara Radwinter. Aucune n’a été autorisée durant tout le temps où il est resté au château.
— Un prêtre est-il venu l’entendre en confession ?
— Non. Les ordres de Londres étaient que personne ne devait avoir accès à lui. Cette règle est suivie depuis le début de sa détention au château, le mois dernier. Et il a été arrêté chez lui en pleine nuit et amené sans ménagement au château en chemise de nuit. Des vêtements et autres effets ont été par la suite apportés de sa maison. On aurait facilement découvert un mouchoir plein de poison. »
Je secouai la tête. « Par conséquent, ce poison a dû lui parvenir au château. Il avait déjà tenté de s’y donner la mort mais avait raté son coup. Alors il a apporté ici ce qui restait du poison en utilisant cette incroyable méthode et a effectué une seconde tentative. Je suppose que cette fois-ci la substance a si vite produit son effet que, n’ayant pas eu le temps de cacher le mouchoir à l’endroit habituel, il l’a fourré entre le lit et le mur.
— Mais la seconde tentative a échoué, elle aussi, souligna le Dr Jibson. Grâce au sergent qui l’a fait vomir. »
Maleverer se tourna vers l’endroit où Broderick, vautré sur son siège, hoquetait entre les deux soldats.
« Par conséquent, ici il n’y a pas eu d’empoisonneur.
— Non, dis-je. Je ne le pense pas.
— À part la personne qui a apporté le poison…, précisa Maleverer en fixant Radwinter. Qui a réussi à le faire passer à votre insu. Ou qui vous l’a remis personnellement.
— Je jure que non ! s’écria Radwinter d’une voix tremblante.
— Je vous relève de vos fonctions jusqu’à ce que le mystère soit élucidé. Sergent Leacon ! » cria-t-il. Le jeune homme sortit de derrière la cloison. « Je vous confie la garde du prisonnier. Vous le surveillerez constamment. Geôlier, remettez les clefs au sergent ! »
Après une brève hésitation, Radwinter décrocha les clefs de son pourpoint et les tendit à Leacon. Recouvrant un peu ses esprits,
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