Sang Royal
que vous avez parlé à Broderick, durant mon absence. De l’héritier légitime du trône. Vous avez signalé que la reine était peut-être enceinte. » Je le regardai, l’air surpris. « Oh ! le soldat en faction devant la porte a écouté votre conversation, comme je le lui avais ordonné. Vous aviez l’ordre formel de ne pas l’interroger.
— Il ne s’agissait que d’une banale conversation, répondis-je évasivement.
— Vraiment ? » Il me fixa du regard. « Je doute parfois que vous jouiez franc jeu, messire Shardlake, que votre sollicitude envers le prisonnier ne soit que de la mollesse et de la ridicule compassion. Si j’ai raison, prenez garde ! »
L’avertissement de Radwinter me tracassa durant tout le repas pris en compagnie de Barak. Le réfectoire était rempli de gens qui déjeunaient en toute hâte, avant de se livrer aux préparatifs du départ. On criait et on s’appelait de toutes parts, et le soulagement de savoir le cortège enfin sur le point de parcourir la dernière étape du voyage avant le retour à Londres était clairement perceptible.
Je me remémorai les propos que j’avais tenus à Broderick quelques jours plus tôt. Rien de dangereux ou de séditieux, en fait. Je m’étais contrôlé sans imaginer toutefois que Radwinter avait pris la peine d’ordonner à un soldat d’écouter aux portes. Il l’avait sans doute soudoyé. Devais-je le signaler au sergent Leacon ? Je décidai que non. Mais je veillerais désormais à ne plus prendre le moindre risque en ce qui concernait Broderick.
« À votre avis, dans combien de temps arriverons-nous à Londres ? demanda Barak.
— Il nous faudra environ trois ou quatre jours pour atteindre Hull, puis une semaine sans doute pour la traversée en bateau. Tout va dépendre du temps en mer. De toute façon, ça ira plus vite qu’à cheval.
— Voilà une semaine qu’on n’a pas eu d’ennuis, dit-il, l’air songeur. Pensez-vous que la personne qui vous a attaqué a renoncé ?
— Je l’espère, mais je reste sur mes gardes.
— Eh bien ! dans environ deux semaines, dit-il avec un grand sourire, nous serons en sécurité, et on aura repris le collier à Lincoln’s Inn.
— Tu reviens réellement travailler au cabinet ?
— Apparemment.
— Quand on arrivera à Hull, j’essaierai de trouver une place pour Giles sur le bateau. Et pour Tamasin. Il faudra donner des pots-de-vin mais, entre Giles et moi, on y parviendra.
— Merci », dit-il simplement.
J’eus du mal à dormir, en raison des bruits incessants dus au déménagement et au chargement qui se prolongèrent durant toute la nuit – cris, appels et brimbalement des chariots… Je me levai à la pique de l’aube, m’habillai et enfilai mon manteau, ainsi que, pour la première fois depuis mon arrivée à York, mes bottes de cavalier. Certains des clercs étaient déjà réveillés et entouraient le feu que l’un d’eux s’efforçait d’allumer. Je les saluai froidement d’un signe de tête et sortis.
Il faisait frais et humide, un dais de hauts nuages d’un blanc laiteux couvrant le ciel. Debout dans l’embrasure de la porte, Barak contemplait la cour qu’on avait presque entièrement vidée. On démontait les enclos des animaux.
« Sainte-Marie vient de connaître ses ultimes moments de splendeur, déclara-t-il. Il paraît que le roi a donné l’ordre d’enlever le toit et les derniers vitraux de l’église. »
Me rappelant le pauvre Oldroyd, je regardai l’édifice dont la flèche était à nouveau perdue dans la brume.
Après le petit déjeuner, nous allâmes chercher les chevaux à l’église, où les charpentiers démontaient les pavillons. Quel incroyable gaspillage ! Des serviteurs de la maison royale emballaient soigneusement dans une bâche imperméable une gigantesque tapisserie mesurant quarante pieds de long, dont les feuilles d’or envoyaient des éclats lumineux. Il fallut quatre hommes pour l’enrouler avec moult précautions, tandis que des soldats montaient la garde autour de cet objet précieux. Une immense agitation régnait près du portail principal de l’église laissé grand ouvert. Des cavaliers sortaient leur monture et prenaient place dans les groupes qui se formaient tout autour de la cour. Une fois à l’intérieur du bâtiment, nous nous retrouvâmes en pleine cohue : des gens allaient et venaient, scrutant les stalles placées le long des hauts murs, à la recherche de leurs
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