Sang Royal
Guillaume le Conquérant à Henri V. C’était un joli travail. Je les comptai. « Il y en a onze, dis-je.
— Ne sont-ils pas merveilleux ? s’écria Tamasin.
— C’est vrai.
— Pourquoi la rangée s’arrête-t-elle au roi Henri V ? demanda-t-elle en désignant les statues.
— Bonne question. Messire Wrenne le sait peut-être. » Je cherchai le vieil homme du regard mais ne l’aperçus nulle part.
— Il est parti par là, dit Tamasin en indiquant d’un signe de tête la porte du chœur.
— Je vais aller voir… Non, restez ici », ajoutai-je, comme Tamasin et Barak faisaient mine de me suivre. Si, par malheur, il avait eu un nouveau malaise, je ne voulais pas qu’ils le voient dans cet état.
Je pénétrai dans le chœur, où étaient alignées de merveilleuses hautes stalles sculptées. D’un côté se dressait une énorme construction en bois sombre, richement ornée de piliers et de voûtes. Une châsse décorée était placée au-dessus d’un tombeau de dix pieds de haut dans la paroi duquel plusieurs niches avaient été pratiquées pour que les adorateurs puissent s’y agenouiller et prier. Des offrandes y étaient accrochées : chapelets, bagues, colliers. Giles était agenouillé dans une niche, priant avec ferveur, mais en silence. Au bruit de mes pas, il se retourna vers moi, absorbé dans ses pensées, le regard vide quelques instants. Puis il sourit et se remit sur pied avec raideur.
« Veuillez m’excuser, dis-je. Je n’avais pas l’intention de vous interrompre.
— Non, non… C’était impoli de ma part de vous fausser compagnie. » Il fit un geste vers la chapelle. « Eh bien, contemplez le tombeau de saint William, qui a suscité la fureur du roi.
— Qui était-ce ?
— L’un des premiers évêques d’York. On dit que le pont sur l’Ouse s’est effondré alors qu’il le traversait à la tête d’une procession, mais que grâce à l’intervention divine il n’y a eu aucun mort. C’est le saint patron de la ville. Nombreux sont ceux qui viennent le prier d’intercéder en leur faveur, comme vous pouvez le constater. »
Un peu gêné, je hochai la tête. Les récits de miracles séculaires n’avaient aucun sens pour moi. Et à mes yeux le tombeau était surchargé, pour ne pas dire affreux.
« Apparemment, ceux qui affirment que la passion du roi pour la réforme est morte avec Cromwell ont tort, dit Giles. Comme nous l’avons entendu de ses propres lèvres, le tombeau de saint William sera abattu, car il constitue un crime de lèse-majesté.
— À ce qu’il paraît, murmurai-je.
— Seriez-vous d’accord avec cette vision des choses ? demanda-t-il en me regardant droit dans les yeux.
— J’avoue que les saints et les chapelles n’ont guère de sens pour moi. Mais peut-être est-ce dommage de détruire celle-ci, si elle compte tant pour le peuple.
— Et voilà que cela aussi va être enlevé à York ! soupira-t-il. Bon. Allons-y ! » Il lança un dernier coup d’œil à la chapelle, puis nous regagnâmes la nef où Tamasin et Barak se tenaient toujours devant les statues des rois.
« Messire Wrenne, demanda Tamasin, pourquoi les rois s’arrêtent-ils à Henri V ?
— Ah ! Il y avait jadis une statue de Henri VI, le roi de la maison de Lancastre qui a été vaincu durant la guerre des Deux-Roses. Beaucoup le considéraient comme un saint et venaient déposer des offrandes à ses pieds. Comme cela déplaisait aux rois issus de la maison d’York, la statue a été retirée. » Il se tourna vers moi et haussa les sourcils. « Vous constatez que, tout comme les saints, les rois peuvent être biffés de l’histoire. »
Deux clercs passèrent devant nous et se dirigèrent vers le chœur. « Demain ? entendis-je l’un des deux demander à l’autre, un vieil homme.
— Oui, il est las d’attendre. Ils font leurs bagages ce soir et partent pour Hull demain matin. Le roi est furieux, paraît-il. C’est peut-être pour ça que la chapelle l’a irrité à ce point. »
Je me tournai vers lui. « Pardonnez-moi, monsieur. Le roi s’en va ?
— Oui, monsieur, répondit-il en souriant. Demain matin, à la première heure. Il est fatigué d’attendre le roi Jacques. Ils sont déjà en train de tout emballer au campement. » Le clerc était à l’évidence enchanté de la nouvelle.
Je me tournai vers mes compagnons. Le soulagement illumina nos visages.
« Enfin ! s’écria Tamasin. Dieu soit
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