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Sang Royal

Sang Royal

Titel: Sang Royal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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aurores jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un seul. »
    Craike nous fit gravir les marches usées de l’église dont le grand portail était à demi ouvert. Des empreintes de chaussures boueuses maculaient le seuil. À l’évidence, l’église était devenue une voie de passage très fréquentée.
    Jadis, l’édifice avait été magnifique. De grands arcs et des piliers richement décorés de peintures vertes et ocre s’élevaient à des hauteurs vertigineuses. Le sol était dallé de carreaux ornés de dessins très variés. Illuminé par des cierges, l’endroit avait dû être extrêmement impressionnant. À présent, hélas ! les nombreuses fenêtres vides projetaient une lumière froide et blafarde dans les chapelles latérales démeublées et dans les niches dépouillées de leurs statues, dont certaines gisaient désormais en morceaux sur le sol. Des traces de boue et des carreaux brisés indiquaient un raccourci menant à un autre portail, à demi ouvert lui aussi, à l’extrémité sud de la nef. Comme nous traversions l’église dévastée, nos pas résonnaient en un écho sinistre au milieu du silence qui contrastait avec l’animation extérieure. Je fus pris de frissons.
    « Oui, il fait froid, dit Craike. L’endroit est humide et brumeux, car nous sommes ici tout près de la rivière. »
    On avait construit un nombre considérable de stalles en bois contre les murs. Quelques chevaux s’y trouvaient déjà, mais beaucoup d’entre elles étaient vides. Des tas de paille se déversaient même dans les bas-côtés.
    Barak désigna une stalle. « Voici Sukey et Genesis.
    — L’église est réquisitionnée comme écurie ? m’écriai-je, incrédule.
    — L’endroit hébergera en effet tous les chevaux des courtisans et des dignitaires. Il s’agit d’une utilisation rationnelle de l’espace. Cela peut sembler certes sacrilège, même si l’église est désaffectée. »
    Nous sortîmes par le portail sud et nous nous retrouvâmes dans une autre grande cour, tout aussi animée. Là encore, des constructions s’élevaient contre les murs, notamment un corps de garde imposant et une autre église plus petite. Celle-ci était encore intacte – peut-être était-ce l’église de la paroisse. On déchargeait toutes sortes de produits des charrettes : sac sur sac de pommes et de poires, tas de charbon de bois et fagots de branchages, brassées de bougies de toutes les tailles, innombrables bottes de foin. Des serviteurs transportaient les articles dans les bâtiments et dans une série de cabanes temporaires. On avait érigé des rangées de palissades dans l’intention d’y parquer un troupeau entier de moutons, de nombreuses vaches et même des cerfs. Dans un enclos, des centaines de volailles – poules, canards, dindes, et même deux grandes outardes dont les ailes géantes avaient été coupées –, pressées les unes contre les autres, dénudaient le sol en picorant tout ce qui poussait. Tout près, un groupe d’ouvriers installaient des tuyaux dans une tranchée descendant jusqu’au mur sud du monastère. Au loin, par une porte ouverte, j’aperçus des laisses de vase et une large rivière grise. « Je n’ai jamais vu tant de travaux à la fois ! m’écriai-je en secouant la tête.
    — Dès vendredi il y aura trois mille bouches à nourrir. Mais venez, nous allons de ce côté-ci. » Craike nous fit longer les enclos des animaux en direction d’un grand bâtiment de deux étages. « C’était l’hôpital des moines, expliqua-t-il, l’air confus. Nous l’avons divisé en cabines. On n’a pas pu faire mieux. La plupart des juristes y sont logés. Les serviteurs n’ont que de malheureuses tentes. »
    Un petit groupe d’employés officiels bavardaient devant la porte, certains portant le bâton rouge, emblème du portier chargé d’empêcher les intrus de pénétrer dans les palais royaux. Un homme grand et corpulent en robe de juriste, qui dépassait tous les autres d’une tête, était en train de les interroger. Craike baissa la voix. « C’est sir William Maleverer. Juriste et membre du Conseil du Nord, il est en charge de tout ce qui concerne les affaires juridiques et la sécurité. »
    Craike s’approcha de lui et toussota pour attirer son attention. L’homme corpulent se retourna, l’air agacé. Âgé d’une quarantaine d’années, le visage lourd et dur, il portait une barbe noire, la fameuse « barbe en bêche » à la mode, dont

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