Sang Royal
suis le confrère Shardlake de Lincoln’s Inn et voici Barak, mon assistant. Nous devons aider à préparer les requêtes présentées au roi.
— Ah bien ! » Il parut impressionné et me gratifia d’un sourire engageant. « Paul Kimber, également de Lincoln’s Inn. » Il inclina à nouveau le buste.
« Et vous, quelle tâche assurez-vous dans ce voyage ? m’enquis-je.
— J’appartiens au bureau de l’officier de bouche de la maison du roi et je m’occupe de l’établissement des contrats passés avec les fournisseurs au cours du voyage. Je participe à leur élaboration, à tout le moins. Je suis avec le cortège depuis le début et ç’a été un dur labeur de négocier avec ces barbares de Nordistes. » Il partit d’un rire méprisant.
« Savez-vous où nous pourrions trouver à dîner ? demandai-je.
— Dans la salle à manger commune à tous – avocats, maîtres clercs, commis, charpentiers… Vous aurez besoin d’un document indiquant que vous avez “la bouche à Cour”.
— Où se le procure-t-on ?
— Au bureau de la Grande Salle. » Il fronça le nez. « Je ne saurais vous dire où il se trouve à présent. On devait le déplacer aujourd’hui pour l’installer en d’autres lieux, à cause de l’arrivée du cortège.
— Fort bien. Nul doute qu’on parvienne à le trouver. »
Nous sortîmes du bâtiment. Une senteur automnale de fumée de feu de bois flottait dans l’air. Je frissonnai, l’humidité étant devenue plus prononcée. Un peu plus loin, des valets en blouse marron nourrissaient les troupeaux de bêtes dans leur enclos de fortune.
« Retraversons l’église, dis-je. Cela doit se trouver quelque part de l’autre côté du manoir. »
Nous martelâmes à nouveau le sol de l’église du monastère, glaciale, arrimée d’ombres au coucher du soleil, et habitée par un silence que seul le bruit des chevaux bougeant dans leurs stalles venait rompre. Nous sortîmes par le portail principal et nous arrêtâmes sur le seuil pour contempler la première cour. Les ouvriers étaient toujours occupés à scier et à peindre. Je n’en avais jamais vu en aussi grand nombre, travaillant à une telle vitesse. Deux valets déchargeaient des lampes contenant de grosses bougies blanches et les apportaient aux artisans. De nombreuses tentes étaient déjà éclairées par une source lumineuse placée à l’intérieur.
« Ils ont donc l’intention de continuer à travailler une fois la nuit tombée ? demanda Barak.
— À ce qu’il paraît. Espérons pour eux qu’il ne pleuvra pas. »
Un cliquetis m’incita à me retourner. Oldroyd, le verrier, que nous avions vu plus tôt dans la journée, passait près de nous, conduisant son énorme cheval, une de ces gigantesques bêtes noires des Midlands, les plus grandes et les plus puissantes du pays, qui tirait un chariot à hauts bords, plein de verre.
« La journée de travail a été bonne, l’ami ?
— Oui-da. Très occupée, m’sieu », me répondit-il d’un ton neutre. Lorsqu’il toucha son bonnet je vis que sa main était sillonnée de minuscules cicatrices, vestiges des coupures subies au cours de sa carrière de verrier. « On me laisse garder le verre et le plomb en paiement de mon travail.
— Qu’est-ce que vous en faites ?
— Ça va chez les gens de qualité. Une bête mythique ou un laboureur au travail font un joli panneau central pour une fenêtre, et ça revient moins cher que de peindre un nouveau vitrail. » Il se tut. « Mais on m’ordonne de fondre les figures de moines et de saints. C’est triste car elles sont souvent très belles… » Il s’interrompit brusquement avant de me lancer un regard anxieux : de telles remarques risquaient d’être interprétées comme une critique de la politique du roi. Je lui souris pour lui signifier que ces paroles ne me choquaient pas. Je crus un instant qu’il allait ajouter quelque chose, mais, la tête basse, il conduisit son puissant cheval vers la porte.
Je parcourus les tentes du regard, espérant apercevoir Horenbout. Barak demanda à deux employés qui passaient à toute vitesse près de nous s’ils savaient où se trouvait le bureau de la Grande Salle, mais ils se contentèrent de secouer la tête. Tout le monde semblait extrêmement pressé. Barak soupira et fit un signe de tête en direction de la guérite qui abritait la sentinelle préposée à la vérification des papiers des entrants et des
Weitere Kostenlose Bücher