Sang Royal
Écritures, le roi lui a âprement enjoint de se taire, et Lambert s’est recroquevillé, tel un chien apeuré. J’ai également vu Lambert sur le bûcher, il a poussé de grands hurlements. » Il me fixa. Il avait deviné que ces détails allaient me sembler répugnants. Il jouait avec moi, comme l’autre fois. Je restai coi.
« Et le roi sera à nouveau merveilleux devant les Yorkais. C’est très malin de sa part d’obliger les nobliaux du coin à lui faire personnellement allégeance. Il leur pardonne leurs fautes tout en indiquant clairement que s’ils se parjurent ils ne doivent attendre aucune pitié de sa part. La carotte et le bâton, voilà comment on traite de tels ânes. Ainsi donc, ajouta-t-il, vous ne venez pas à York uniquement pour vous occuper de Broderick…
— L’archevêque m’a d’abord offert la mission juridique. La seconde ne m’a été confiée qu’une fois que j’ai accepté la première.
— Oui, gloussa-t-il, il sait se montrer finaud comme un renard. Mais cela va bien vous rapporter.
— Assez bien, fis-je sèchement.
— Assez pour acheter une nouvelle robe, j’espère. Surtout si vous devez voir le roi. Celle que vous portez est déchirée. Je vous le signale au cas où vous ne vous en seriez pas rendu compte.
— J’en ai une autre. J’ai déchiré celle-ci ce matin. Sur le chariot d’un verrier.
— Vraiment ? Étrange mésaventure.
— En effet. » Je lui racontai comment j’avais trouvé le corps d’Oldroyd, ne lui révélant cependant que les aspects connus de tous. Il sourit à nouveau.
« Apparemment, un avocat doit être au four et au moulin », commenta-t-il. Il posa sa coupe. « Bon. Je suppose que vous souhaitez voir sir Edward.
— Oui, s’il vous plaît. »
Comme la veille, je montai derrière lui les marches qu’il gravissait d’un pas léger. Me rappelant ses propos sur le procès de Lambert et sa mort sur le bûcher, je repensai à Cranmer qui me l’avait décrit comme un homme animé d’une foi vraie et sincère. Autrement dit, Radwinter acceptait l’orthodoxie, selon laquelle, en matière de religion, le dernier mot appartenait au roi, chef suprême de l’Église. S’il était tout à fait normal qu’un tel homme approuve la mort sur le bûcher d’un hérétique, son ton désinvolte et narquois m’avait malgré tout répugné. Ses professions de foi n’étaient-elles qu’un alibi pour justifier la jouissance qu’il tirait de la cruauté ? Je fixai son dos tandis qu’il déverrouillait la porte de la cellule de Broderick.
Sir Edward était allongé sur sa paillasse sale. On avait cependant jeté des joncs frais sur le sol comme je l’avais ordonné, et une odeur moins nauséabonde régnait dans la cellule. L’ouverture de sa chemise laissait voir un cataplasme fixé sur sa poitrine, de même que ses côtes, saillant sous une peau d’un blanc cadavérique. Cette fois encore, il planta sur moi un regard froid.
« Eh bien, sir Edward, demandai-je, comment allez-vous aujourd’hui ?
— On a mis un cataplasme sur ma brûlure, et ça pique.
— Cela indique peut-être qu’il fait son effet. » Je me tournai vers son geôlier. « Il est très maigre, maître Radwinter. Que lui donne-t-on à manger ?
— De la potée préparée dans les cuisines du château, la même qu’on sert aux gardes. Pas en trop grande quantité, il est vrai. Un homme affaibli risque moins de causer des ennuis. Vous avez vu hier comment il peut se jeter sur quelqu’un.
— Et la façon dont il est solidement enchaîné… Il a été malade. Un homme malade peut dépérir s’il est privé de nourriture. »
L’œil du geôlier s’alluma. « Souhaiteriez-vous que je commande à la cuisine du roi du pâté de grive, et pour dessert peut-être une assiette de massepains ?
— Ce n’est pas nécessaire, rétorquai-je. Mais je voudrais qu’on lui fournisse les mêmes portions que celles qu’on sert aux gardes. » Radwinter plissa les lèvres. « Occupez-vous-en, s’il vous plaît », déclarai-je d’une voix égale.
Broderick laissa échapper un rire rauque. « N’avez-vous pas songé, monsieur, que je préférerais de beaucoup être affaibli quand j’arriverai à Londres ? Si affaibli que les premières caresses du bourreau m’achèveront.
— Ils se garderont bien de vous tuer, messire Broderick, déclara Radwinter d’un ton amène. Quand vous leur serez amené, ils vous étudieront avec soin. Ils
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