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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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Elle hésita pourtant. Les dieux lui
permettraient-ils de franchir l’enceinte ?
    Elle devait être étrange à voir, recouverte
à la hâte de sa toge à glands aux plis désordonnés, les yeux noirs de khôl, la
chevelure en diadème écroulée par sa course ! Elle devina d’avance le
regard des gardes, qui surveillaient étroitement les entrées et les sorties
dans la ville noble, tout aussi étonné que celui des passants qu’elle avait
croisés jusqu’ici.
    Un instant, elle songea : Et si je
retournais dans la maison de mon père ? Sililli pourrait m’aider à me
glisser dans ma chambre. Elle doit être en larmes, pleine d’inquiétude. Elle
sera trop contente de me voir. Assurément, il n’est plus question d’époux et
d’épouse. Sans doute, humilié, insulté par sa fuite, le si noble époux que lui
avait trouvé son père devait-il être déjà hors de la maison. Une maison dont
toutes les pièces devaient résonner de la fureur d’Ichbi Sum-Usur.
    Non, elle ne pouvait pas rentrer. C’en
était fini. Depuis qu’elle avait vu cet homme, son époux, sur l’estrade, sa
décision était prise. Plus jamais elle ne verrait Sililli, ses sœurs, son père,
ni même Kiddin, qu’elle ne regretterait guère. Son geste, accompli devant tous,
faisait désormais d’elle une fille sans famille. Tout ce qu’il importait
maintenant, c’était d’échapper aux soldats qui, à l’approche du crépuscule,
renvoyaient chacun chez soi et chassaient les errants de la ville noble. Elle
trouverait un abri pour la nuit hors des murs. Ce n’était pas le moment de
s’apitoyer sur son sort. Au contraire, elle devait s’endurcir le cœur et faire
preuve de courage. Demain, elle aurait tout le temps de réfléchir, plus et
mieux.
    D’un pas qu’elle tâcha de rendre le plus
naturel possible, elle rebroussa chemin pour s’engouffrer dans l’ombre rouge
d’une ruelle peu fréquentée. Dans sa course, elle avait repéré une impasse
qu’un mur à demi écroulé obturait presque. Elle s’y faufila.
    À l’abri des regards, elle défit sa
coiffure, retira les aiguilles de corne autour desquelles Sililli avait enroulé
ses mèches. Il eût été préférable d’en dénouer les tresses, mais elle n’en
avait pas le temps. Elle se contenta de les rejeter dans son cou. Usant d’un
pan de sa toge, elle se frotta les lèvres et les yeux, espérant en ôter le
maquillage. Après quoi, elle se mit nue, déchira les ourlets de sa tunique pour
en enlever les glands d’épouse qui y pendaient encore. Ayant conscience
d’effectuer un geste irrémédiable, elle les jeta parmi les briques.
    Prestement elle retourna l’étoffe afin que
le tissage en paraisse moins luxueux, puis elle s’en enveloppa et s’en couvrit
la tête. Elle espérait que les gardes ne verraient en elle qu’une servante,
peut-être, mais assez noble pour ne pas attirer leur attention. Avec une
confiance toute neuve, et même une joyeuse excitation, elle franchit à nouveau
le mur pour rejoindre le canal et atteindre la porte du nord.
    En vérité, un instant plus tard, son
assurance toute neuve faiblit.
    Le mur d’enceinte d’Ur, construit depuis
plus de mille ans, était épais comme cinquante hommes et haut comme cent. Il n’était
dans le royaume de Shu-Sin, fils de Shulgi, que Nippur à posséder des remparts
aussi formidables. Des portes en permettaient le passage aux quatre points
cardinaux. Des portes renforcées de bronze, si lourdes qu’il fallait cinquante
hommes et des bœufs pour les manœuvrer. Maintenant que Saraï était assez près,
elle voyait déambuler les gardes, lance au poing, casqués et protégés par des
capes doublées de cuir, toisant d’un œil vigilant ceux qui entraient ou
sortaient.
    Cependant, les dieux décidèrent de lui
faciliter les choses. À grand bruit, une procession arriva, qui s’en retournait
des grands temples de Sin ou d’Ea jusque dans la ville basse. Derrière les
musiciens, des hommes portaient des litières débordant de fleurs où trônaient
les statuettes de leurs ancêtres. À leurs côtés, de jeunes prêtresses, vêtues
de la simple toge des temples secondaires, sans ceintures ni bijoux de
coiffure, transportaient des brûle-parfums d’où s’échappait la fumée acide du
roseau et de la gomme de bidurhu. Derrière, une foule se pressait. Saraï
n’eut aucun mal à s’y dissimuler. C’est à peine si une jeune fille de son âge
la regarda se placer à côté d’elle avec un

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