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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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répugnant. Elle agita un doigt tordu en direction de Saraï, l’invitant à
approcher.
    — Des herbes, des herbes, ma
fille ! Tu veux de mes herbes ?
    Une dizaine de petits paniers étaient
alignés le long du mur à côté d’elle. Ils regorgeaient de feuilles, de graines
de toutes les couleurs, de pierres, de cristaux de gomme. Saraï voulut
s’enfuir, mais le regard de la vieille la retint.
    — Des herbes ou autre chose ?
Viens, ma fille, n’aie pas peur !
    Sa voix se fit plus douce. On y devinait
une certaine gentillesse. La chance et les dieux lui souriaient-ils ?
songea Saraï. Peut-être la vieille pourrait-elle lui trouver un abri pour la
nuit ? Qu’est-ce qu’une femme comme elle pouvait craindre ?
Cependant, l’autre, à cet instant, s’exclama :
    — Tu as besoin de quelque chose,
déesse ? N’importe quoi, Kani Alk-Nàa te le vend…
    Entendant le mot déesse, Saraï se figea. La
femme avait-elle reconnu en elle une fille de la ville royale ?
    Ou se moquait-elle, tout simplement ?
Feignant l’indifférence, Saraï se pencha au-dessus des paniers. Ils ne
contenaient pas que des herbes et des graines. De certains débordaient des
squelettes d’animaux, des fœtus, des crânes, des entrailles séchées et les
dieux savaient quoi encore ! Elle était devant l’antre d’une sorcière, une kassaptu !
    Celle-ci surprit son expression de dégoût
et éclata d’un rire perçant.
    — Tu es perdue bien loin de chez toi,
déesse ! Ne te fais pas manger par les démons de la nuit !
    Saraï se redressa et, la crainte au ventre,
s’éloigna en courant.
    Dans son dos, les hauts murs d’Ur se
nappaient de l’ocre du crépuscule, immenses comme des montagnes et désormais
infranchissables avant l’aube. Au-dessus, seules les terrasses supérieures de
la ziggurat étaient visibles, avec la couronne sombre de leurs jardins d’où
émergeait la Chambre Sublime dont les lapis-lazulis reflétaient le soleil,
telle une étoile dans le jour. Il n’était plus grande beauté en ce monde.
    Saraï courait sans se retourner, songeant à
son jardin, à sa chambre neuve, au moelleux de son lit. Elle ralentit le pas.
La nuit venait comme une mer vient noyer les rivages.
    Elle savait qu’à cette heure, si elle était
restée là-bas, dans le palais de son père, entre les mains dédaigneuses de son
époux pressé d’en finir, elle ne trouverait rien de beau dans sa chambre et son
lit. Pourtant, des larmes vinrent mouiller ses yeux et mordre dans son courage.
    *
    * *
    « Ne te fais pas manger par les démons
de la nuit ! » avait grincé la vieille. L’avertissement résonnait
encore aux oreilles de Saraï. Le soleil disparaissait sous le rebord du monde.
Elle peinait à avancer. Ses jambes étaient lourdes. Ses belles sandales de
chevreau englouties par la vase. L’eau claquait sous ses pieds nus. Le bas de
sa tunique était trempé. Les joncs lui giflaient les bras et les épaules.
    Elle pataugeait au bord du fleuve sans
savoir comment elle s’était retrouvée là. Elle avait suivi une ruelle, les
maisons s’étaient espacées. Elle avait filé droit devant, épuisée, trop
terrifiée pour s’arrêter, espérant encore on ne sait quoi. Une hutte de joncs,
un bateau, un tronc d’arbre, un terrier, n’importe quoi qui pût la protéger. Or
le froid et la nuit venaient et lui serraient la nuque.
    — Houww !
    Soudain son pied tourna sur quelque chose
de dur, elle sentit un coup contre sa cuisse, songea aux démons, en hurlant de
terreur. La tête la première elle bascula dans l’eau. Ses doigts s’enfoncèrent
dans la vase. Le tissu de sa toge craqua sur ses hanches et manqua l’étrangler.
D’un coup de reins elle se remit sur les fesses, prête à affronter la plus
horrible des morts.
    Ce qu’elle vit, pourtant, debout et se
découpant dans la faible lumière, n’était pas un monstre mais un homme.
    Peut-être même pas un homme : un
garçon. La tête auréolée d’une couronne de cheveux bouclés, un corps long et
mince, tout en muscles, presque nu, un pagne de lin grège autour des reins, les
jambes noires de vase jusqu’aux genoux. Une sorte de panier d’osier cylindrique
où s’agitaient des bêtes pendait à sa main gauche. Saraï distinguait mal ses
traits. Seulement le brillant des yeux qui la fixaient.
    Il fit un geste furieux du bras, montra le
fleuve et dit quelque chose dans une langue qu’elle ne comprit pas. Puis il se
tut en l’observant, plus

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