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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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d’exaltation.
    Saraï frissonna.
    Ichbi Sum-Usur s’avança. Il dit tout haut
quelque chose que Saraï ne comprit pas, porta la main sur le taureau et en
caressa les cornes.
    Un rire parcourut les rangs de la cour.
Saraï se rendit compte que l’époux riait. La bouche ouverte, les dents
blanches. En un éclair, elle vit le visage de cet homme dans sa chambre, dans
son lit. Cet homme riant ainsi, la bouche grande ouverte au-dessus d’elle.
Comme s’il allait mordre ou déchirer.
    L’époux au même instant empoigna d’une main
le sexe de bronze du taureau. De l’autre il repoussa sans ménagement les
esclaves. Comme l’un d’eux ne comprenait pas son geste, d’un coup de pied dans
la cuisse il le fit basculer cul par-dessus tête au pied de l’estrade,
déclenchant ainsi de nouveaux rires. D’un seul bras, vacillant à peine sous le
poids du plateau, il brandit son offrande au-dessus de sa tête. Les femmes
poussèrent des cris aigus, les hommes se levèrent pour l’acclamer.
    Égimé, qui n’avait pas lâché le bras de
Saraï, glapit en l’étreignant si fort que Saraï à son tour cria tandis que du
chœur des chanteuses un chant nouveau s’éleva :

Avec toi il couchera, il couchera, Avec
toi ton époux couchera, Avec toi sa semence jaillira, Avec toi dans ton giron
fertile, Avec toi ton époux…
    Alors, au milieu du vacarme, il se tourna
vers elle et pour la première fois la regarda.
    Elle vit ses yeux qui la parcouraient tout
entière, puis revenaient sur son visage.
    Elle vit son expression.
    Elle vit ce qu’il découvrait et ce qu’il en
pensait.
    Une enfant maigre et sans grâce. Une fille
sans poitrine, sans hanches, aux mains tremblantes, aux os des poignets
saillants. Une gamine au visage ridicule sous le kaolin craquelé comme une
terre après l’été. Pas une femme aux pommettes hautes, aux lèvres ourlées et
aux yeux de vache douce.
    Elle le vit dans ses yeux et la crispation
de sa bouche tandis qu’il relâchait son effort et laissait retomber le plateau
des épousailles dans les mains des esclaves. Et ce qu’elle vit n’était pas même
de la déception. C’était l’expression d’un homme qui méprise. Qui mesure avec
dégoût l’effort qu’il lui faudra faire pour poser encore une fois son regard
sur celle qui allait être son épouse.
    *
    * *
    Le lendemain, deux heures après le lever du
jour, la cour accueillait encore plus d’invités. Certains patientaient dans la
ruelle devant la maison, bien que les serviteurs aient ôté les sièges afin de
gagner de la place. Les chants, les flûtes et les tambours parvenaient
difficilement à couvrir le vacarme des voix.
    À la mi-journée, les statues des ancêtres
d’Ichbi Sum-Usur furent portées sur l’estrade et placées aux côtés de celles de
la famille de l’époux. On déposa devant elles le plateau nuptial. Le taureau y
disparaissait sous les pétales de fleurs, les bijoux, les offrandes de fins
tissages. Le silence se fit lorsque les deux pères, après avoir jeté des
copeaux de cèdre dans les foyers de terre cuite, s’adressèrent d’une voix
chantante à leurs dieux et à leurs ancêtres bien-aimés.
    Une vingtaine d’esclaves hissèrent sur
l’estrade une grande vasque de bronze où des jeunes filles en toge blanche déversèrent
des jarres d’onguent de cèdre et d’ambre dilués dans l’eau de l’Euphrate.
    Puis les esclaves déployèrent d’un mur à
l’autre un paravent de jonc et d’osier qui voila la vue de la vasque et des
ancêtres aux invités demeurés dans la cour. Saraï, conduite par Égimé, arriva à
l’extrémité de l’estrade réservée aux femmes.
    Elle portait sa toge nuptiale, ourlée de
glands à fils d’argent, serrée par une ceinture de tissage écarlate qui lui
laissait les épaules nues. Ses paupières, depuis les sourcils jusqu’aux
pommettes, étaient recouvertes d’une épaisse couche de khôl. Ses yeux
brillaient comme ceux d’un animal surpris dans le noir. Ses lèvres paraissaient
agrandies par la pâte d’ambre dont on les avait enduites. Cependant, ses tantes
remarquèrent ses joues si pâles qu’il semblait que Sililli ne les avait pas
suffisamment débarrassées du kaolin de la veille.
    En face d’elle, de l’autre côté de
l’estrade, son père, Kiddin et ses oncles entouraient l’époux et le père. Tous
la dévisageaient mais la fumée des herbes et du cèdre voilait leurs regards.
Saraï, elle, évitait soigneusement d’affronter celui

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