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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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n’était pas besoin de
chercher des puits ou de se contenter d’eau croupie pour abreuver les bêtes.
Des ruisseaux couraient d’une vallée à l’autre, parfois assez profonds pour que
l’on puisse s’y plonger en entier. Les insectes étaient nombreux, comme ils le
sont seulement sur les terres opulentes. Un matin, il se mit à pleuvoir. Abram
décida qu’ils ne marcheraient pas ce jour-là afin que la pluie lave la laine
des bêtes et les toiles des tentes. Quand elle cessa, un peu avant le soir, le
soleil reparut entre les nuages. Et tous furent stupéfaits par la beauté du
monde qui les entourait.
    Hélas, bien qu’ils n’aient rencontré
personne depuis plusieurs jours, chacun pouvait se rendre compte que cette
terre n’était pas abandonnée. Des murs en bordaient les pâturages, des chemins
portaient la trace de troupeaux. Aussi, ce fut un soir silencieux où chacun,
près des feux, préféra se taire et rêver au bonheur qu’il y aurait à ce que le
dieu d’Abram les conduise dans pays pareil.
    Le lendemain, dans la blancheur de l’aube,
Saraï se réveilla en sursaut. La place d’Abram, à son côté, était tiède mais
vide. La portière de la tente se balançait encore.
    Elle se leva en silence et fut au-dehors
assez vite pour voir son époux s’éloigner d’un pas pressé. Sans réfléchir, elle
le suivit.
    Abram se mit à courir. Sans ralentir, il
traversa un ruisseau, faisant gicler l’eau autour de lui. Il s’engouffra dans
un grand bosquet qui couronnait une petite butte. Saraï s’engagea sous les
arbres à sa suite. Elle ne le voyait plus, mais elle entendait devant elle les
branches mortes qui craquaient sous ses pas pressés. Alors qu’elle allait
ressortir du bosquet, elle s’immobilisa. Le souffle court, elle se dissimula
derrière le tronc d’un chêne vert. À cent pas devant elle, au sommet de la
butte, debout dans l’herbe haute qui lui battait les cuisses, Abram se tenait
immobile. Il lui tournait le dos, le visage un peu relevé et les bras à demi
dressés comme s’il s’apprêtait à saisir quelque chose à pleine main.
    Sauf qu’il n’avait devant lui que l’air du
matin à peine agité par la brise.
    Elle demeura aussi immobile que lui. Guettant
un mouvement, un son.
    Ne discernant pas un bruit, pas un geste.
    Elle recevait la brise sur son visage. Les
herbes ployaient et se relevaient. De minuscules papillons jaune et bleu
tournoyaient au-dessus des graminées aux fleurs naissantes. Les oiseaux
pépiaient dans les frondaisons. Quelques-uns prirent leur envol. Se posèrent
sur d’autres branches. Aucune lumière ne venait du sol ou du ciel hormis celle
du soleil s’élevant au-dessus de l’horizon et dorant de gros nuages
boursouflés. Il n’y avait rien à voir. Juste l’ordinaire activité d’un matin du
monde.
    Pourtant, elle en était certaine :
Abram rencontrait son dieu.
    Abram écoutait la voix de son dieu
invisible.
    Comment un dieu pouvait-il à ce point ne
montrer aucun signe de lui ? Pas de visage, pas d’éclat ? Saraï ne le
comprenait pas.
    Et si Abram parlait avec son dieu, elle ne
l’entendait pas.
    Elle ne voyait qu’un homme debout dans
l’herbe, entouré d’insectes et d’oiseaux indifférents, le visage levé vers le
ciel comme s’il avait perdu la raison.
    Cela dura un temps qui lui parut bien long
mais qui peut-être ne l’était guère. Puis, d’un coup, les bras d’Abram se
levèrent. Un cri vibra.
    Les oiseaux cessèrent leur vacarme.
    Mais les insectes et les herbes
continuèrent à tourbillonner, ployer et se relever.
    Abram cria encore.
    Saraï perçut deux syllabes. Un mot inconnu.
    Elle eut peur et s’enfuit. Aussi
silencieusement que possible. Le visage en feu, comme si elle avait vu quelque
chose qu’elle n’aurait pas dû voir.
    *
    * *
    Plus tard, à Sililli qui broyait le blé dur
et à Loth qui l’écoutait bouche bée, elle dit :
    — Pourtant, il n’y avait vraiment rien
à voir. Rien ne bougeait, je peux l’assurer. Abram non plus ne bougeait pas.
S’il parlait, sa voix était inaudible. Et ce qu’il voyait était invisible à mes
yeux.
    Sililli secoua la tête, muette et peu
convaincue.
    — Mais Abram a prononcé le nom de son
dieu, fit Loth avec ravissement, prêt à entendre l’histoire une nouvelle fois.
    — Moi, je n’ai pas compris qu’il
s’agissait d’un nom, approuva Saraï. Quand il a crié, je n’ai entendu que deux
sons. Comme ceux qu’Arpakashad tire de sa corne de

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