Sarah
oiseau prenant son envol, Saraï offrit sa bouche et sa
poitrine au souffle d’Abram, et laissa la houle de l’homme l’envahir.
*
* *
Plus tard, poitrine et hanches encore
douloureuses de plaisir, Saraï chuchota :
— Je suis une femme stérile, Abram.
Cela fait des années que le sang ne coule plus entre mes cuisses. Ta semence se
perd dans mon ventre comme si tu l’abandonnais dans la poussière.
— Je le sais, répondit Abram avec la
même douceur. Nous le savons tous, et depuis longtemps.
— Je t’ai trompé, insista Saraï. Sèche
et incapable d’enfanter, je l’étais déjà quand tu es venu me chercher dans le
temple d’Ur. Je n’ai pas osé te l’avouer. Le bonheur d’être emporté par toi
était trop grand, rien d’autre ne comptait.
— Cela aussi, je le savais. Une Sainte
Servante d’Ishtar est une femme sans menstrues. Qui peut ignorer cela, à
Ur ?
Saraï se redressa sur un coude pour
dévisager son époux. La pâleur de la lune rendait le visage d’Abram aussi net
et lisse qu’un masque d’argent. Plus beau que jamais. Une beauté calme, si
tendre qu’elle en eut la gorge nouée. Les doigts tremblants, elle en caressa
les sourcils, en effleura les pommettes jusqu’à la naissance de la barbe.
— Mais pourquoi ? Pourquoi me
prendre pour épouse, si tu savais ? Une femme au ventre vide !
Les lèvres d’Abram se posèrent sur son
sein, en baisèrent l’orbe chaud et le mamelon soyeux.
— Tu es Saraï. Je ne veux pas d’autre
épouse que Saraï.
Elle secoua la tête, pleine de questions,
d’incompréhension.
— Ton dieu t’a promis un peuple, une
nation. Comment deviendras-tu un peuple et une nation si ton épouse ne te donne
pas même un fils ?
Abram sourit, moqueur.
— Le Dieu unique ne m’a pas dit :
« Tu as choisi une mauvaise épouse. » Abram est un époux heureux.
Saraï s’assit sur le lit, l’observa en
silence, incapable de se satisfaire de ces mots qui auraient dû l’emplir de
paix. Au contraire, le plaisir s’était maintenant retiré tout entier du
souvenir de sa chair pour ne laisser que tristesse.
Pourquoi ne parvenait-elle pas à se réjouir
des paroles d’Abram ? N’exprimaient-elles pas tout l’amour et toute la
bonté qu’elle pouvait espérer ?
Non, il lui semblait qu’Abram ne mesurait
pas toute l’étendue de sa faute, le poids qu’elle portait et faisait peser,
pour toujours peut-être, non seulement sur eux deux mais aussi sur ceux qui les
accompagnaient.
— Je t’ai aimé en tombant sur toi au
bord du fleuve alors que je fuyais l’époux choisi par mon père, commença-t-elle
d’une voix presque inaudible. Je voulais un baiser de toi.
Enfin, elle lui raconta pourquoi elle avait
acheté des herbes de sécheresse dans l’antre de la kassaptu. Comment
elle avait failli en mourir et comment, bien qu’il ait quitté la ville d’Ur
avec son père, elle n’avait jamais cessé d’attendre un baiser de lui.
— J’étais à peine une femme. Ma faute,
je l’ai commise autant dans l’ignorance de la jeunesse que par besoin de toi.
Aujourd’hui, ce besoin n’a pas cessé, mais moi je te deviens inutile. Toi, il
te faut une mère pour tes enfants, une épouse féconde qui te permette
d’accomplir ce que ton dieu attend de toi, répéta-t-elle.
Abram secoua la tête. Il lui saisit les
mains et les pressa contre sa poitrine.
— Tu te trompes : j’ai besoin de
Saraï. Ton obstination est mon bonheur. Celui qui me parle, Celui qui m’appelle
et me guide sait qui tu es. Tout autant que moi. Lui aussi aime que tu sois à
mon côté. Tu es dans Sa bénédiction, je le sais.
Il embrassa ses paumes avec fougue. Et
releva soudainement la tête. Sous ses lèvres, il venait de deviner les fraîches
entailles qu’elle s’était infligées par dévotion à Nintu. Saraï vit la colère
lui raidir la nuque.
— Qu’as-tu fait ? s’exclama-t-il.
Elle quitta la couche et retira la
statuette de Nintu de sous les peaux de mouton. Nue et dressée devant lui, la
statuette entre les mains, pleine de franchise et de crainte, elle
expliqua :
— Une femme stérile avalerait de la
terre, de la fange et même des monstres ou des démons si cela pouvait ramener
la vie dans ses entrailles. Aujourd’hui la jeune Lehklaï est morte en enfantant
sa fille. Malgré tout mon amour pour toi, Abram, je ne souhaite pas une autre
mort.
Abram se mit debout devant elle, le sexe
encore long de leur plaisir. Dans
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