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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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vue,
elle quitta le campement. Elle marcha à la lumière de la lune jusqu’au revers
d’une colline. Quand elle fut certaine d’être à l’abri, elle alluma un petit
feu entre quelques pierres.
    Agenouillée, l’esprit vide, Saraï attendit
que le feu devienne braise pour y jeter les copeaux de cèdre. Lorsque la fumée
fut assez épaisse, elle tira de sa ceinture un mince couteau d’ivoire offert
par Abram. D’un coup sec, elle s’entailla le creux de la paume gauche, puis de
la droite. Elle saisit alors la statuette de bois et la fit rouler entre ses
mains, l’enduisant de son sang en murmurant :
    O Nintu, maîtresse des menstrues, Nintu,
    toi qui décides de la vie dans le ventre
des femmes,
    Nintu, patronne bien-aimée de la mise au
Monde, accueille la plainte de ta fille Saraï,
    O Nintu, patronne de la mise au Monde,
toi qui reçus la brique sacrée de l’accouchement des mains d’Enki le Puissant,
toi qui tiens le ciseau du cordon de naissance,
    Nintu, écoute-moi, écoute la douleur de
ta fille,
    Ne la laisse pas dans le vide.
    Elle se tut, la gorge râpeuse à cause de la
fumée de cèdre, les yeux piquants. Puis elle se releva, le visage tourné vers
la lune. La statuette contre son ventre, elle reprit sa lamentation :
    O, Nintu, sœur d’Enlil le Premier,
assure-toi que la vulve de Saraï soit fertile et douce comme la datte de Dilum.
    O Nintu, toi qui décides de la vie dans
le ventre des femmes,
    Permet que Saraï enfante, pardonne son
silence et son dédain,
    Qu’en la présence de ton pouvoir
puissant les sortilèges et les maléfices se dissolvent,
    Qu’ils s’effacent comme un rêve,
    Qu’ils abandonnent mon corps comme une
peau de serpent,
    Ô Nintu, recueille le sang de Saraï
comme la rosée dans le sillon.
    Assure-toi que le miel de la semence de
mon époux Abram devienne la vie.
    Sept fois encore elle répéta sa prière
avant que le sang cesse de couler de ses coupures. Elle écrasa alors les
braises avec une grosse pierre et rejoignit le campement.
    Avec prudence, elle se dirigea vers la
tente d’Abram. Les lampes y étaient éteintes. Par bonheur, Abram n’était pas engagé
dans l’un de ses interminables bavardages avec Arpakashad et quelques vieux de
la tribu qui pouvaient le maintenir éveillé jusqu’à l’aube.
    La toile fermant l’entrée de la tente avait
été repliée pour faire circuler l’air. Saraï la fit retomber sans bruit. À travers
le tissu, la lumière de la lune dispensait une pénombre laiteuse qui lui permit
de se diriger entre les piliers et les coffres. Abram était là, nu sur l’amas
de tapis et de peaux qui lui servait de couche. Son souffle, régulier et lent,
était celui d’un sommeil profond et sans rêve.
    Délicatement, Saraï glissa la statuette de
Nintu entre les épaisseurs, sous les pieds d’Abram. Elle ôta sa tunique et
s’agenouilla à côté de son époux. Elle saisit son sexe entre ses paumes et le
caressa avec douceur. Sans qu’Abram se réveille, il s’allongea et durcit
lentement entre ses doigts. La poitrine et le ventre d’Abram commencèrent à
frémir. Saraï glissa ses longs cheveux bouclés sur le torse de son époux, le
frôlant de la pointe de ses seins, posant ses lèvres sur son cou, sa tempe,
trouvant sa bouche. Abram ouvrit les yeux comme un homme qui ne sait s’il rêve
encore. Il murmura :
    — Saraï ?
    Elle ne répondit que par d’autres caresses,
offrant ses reins à ses mains et ses seins à sa bouche. Ils se virent comme des
ombres. Deux fauves grognant de désir autant qu’une femme et un homme. Abram
chuchotait encore son nom : Saraï, Saraï !, comme si elle allait lui
échapper, se dissoudre entre ses bras alors même qu’elle le prenait en elle,
l’enveloppait au plus profond de son ventre. Ils s’empoignèrent comme des
affamés, sans qu’une seule parcelle de leurs corps échappe à la voracité de
leur désir. L’un et l’autre eurent conscience de faire l’amour différemment des
fois précédentes, avec moins de retenue et plus de fureur. Saraï recevait les
ondes de plaisir d’Abram dans chaque partie de son corps, comme si soudain elle
devenait aussi vaste qu’un pays entier, aussi légère et liquide qu’un ciel et
une mer imbriqués dans l’horizon. Puis son propre plaisir, par vagues, lui
durcit le ventre et les reins, lui coupant le souffle et la rendant à
elle-même. Abram la retourna sur la couche. Enlaçant sa nuque comme si elle se
suspendait à un énorme

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