Satan à St Mary le bow
laissé ?
— Rien, à part cette note.
— Avait-il des amis ou de la famille ? s’enquit Corbett.
— Aucun.
Burnell eut un sourire amer.
— Nous avions choisi Savel parce que, comme vous, il était seul, sans famille ni amis proches. Nous sentions que nous pouvions lui faire confiance pour débusquer les traîtres. On l’a tué ; comme Crepyn et Duket. Je crois que les trois assassinats ont un rapport entre eux, mais je ne sais pas lequel. Si le mystère de la mort de Duket est résolu, nous serons peut-être capables d’aller plus loin et trouver ceux qui ne supportent pas que la Couronne contrôle la ville et qui aimeraient rejeter toute autorité royale en faisant de Londres une commune libre, indépendante du souverain, comme beaucoup de cités du nord de l’Italie. Ils peuvent y arriver par une révolution ou plus simplement en assassinant le roi. Cela leur permettrait d’atteindre leur but, car la reine n’a pas encore donné d’héritier mâle à la Couronne.
Corbett ne pouvait qu’être d’accord. Après douze ans de règne, et plus de mariage, le roi n’avait pas encore de fils pour lui succéder. La reine Aliénor avait bien donné naissance à plusieurs enfants mâles, mais tous étaient morts en bas âge, petits corps pitoyables hâtivement enterrés là, à Westminster. La reine était à nouveau enceinte, mais l’enfant serait-il un garçon, et survivrait-il ? Si le roi mourait soudainement sans héritier, il s’ensuivrait une guerre civile. Londres pourrait se révolter et dicter ses propres conditions à quiconque briguerait son soutien.
— C’est pourquoi, après la mort de Savel, dit brusquement le chancelier interrompant les pensées de Corbett, nous vous avons choisi pour cette mission. Nous pensons que Crepyn était un des chefs des « Populares » et un membre d’une secte qui s’employait à répandre les doctrines de Fitz-Osbert. Nous savons aussi que Duket était, de façon plus subtile, lié aux éléments rebelles de cette ville. Nous espérons, ou plutôt nous espérions, en vous confiant cette tâche, pouvoir découvrir la vérité et déjouer tout complot de trahison contre le roi.
Burnett pointa un doigt vers Corbett.
— Nous pensons encore que vous pouvez le faire et nous vous ordonnons, de par votre loyauté envers le roi, de poursuivre la tâche qui vous a été confiée. Acceptez-vous ?
Corbett inclina la tête.
— J’accepte et regrette le temps perdu, mais je dois vous dire que l’enquête a un peu progressé. Il ne subsiste aucun doute : Duket ne s’est pas suicidé. Il a été assassiné.
Le visage du chancelier rayonna de satisfaction et il se frotta les mains.
— Bien, murmura-t-il. Alors il est sûrement grand temps d’arrêter ses meurtriers !
CHAPITRE IX
Corbett fut soulagé de sortir du palais, délivré des injonctions de Burnell, de ses avertissements et de ses menaces sous-jacentes. Il avait enquêté sur un suicide qui était, en fait, un assassinat qui, lui-même, masquait trahison, sorcellerie et rébellion. En se dirigeant vers le fleuve, il repensa à ce qu’il venait d’apprendre. Burnell était arrivé à la conclusion que Duket avait été tué par une secte secrète et prête à la trahison. Si on découvrait le motif, les méthodes et les auteurs du crime, alors, comme l’avait conclu Burnell, on mettrait la main sur un nid de traîtres.
Regardant le ciel noyé de pluie, Corbett regretta de ne pas être ailleurs ; d’un côté, il voulait éclaircir ce mystère, de l’autre, quel était le prix à payer ? Une gorge tranchée en pleine nuit, une mort violente et un enterrement solitaire ? Partir dans les ténèbres sans que personne ne s’en soucie ? Il pensa à Alice, mais l’écarta péniblement de son esprit. Burnell n’avait pas mâché ses mots : Corbett devait agir vite afin de confirmer ou d’infirmer les conclusions du chancelier sur la mort de Duket. Mais par où commencer ? Il se souvint de Savel et du Gâte-Sauce et décida qu’une visite à cette taverne l’aiderait peut-être à résoudre en partie l’énigme.
Il demanda à un passeur du quai de Westminster de l’amener à Southwark de l’autre côté du fleuve. Le batelier accepta avec un grand sourire de connivence, pensant, comme le comprit Corbett, qu’il avait affaire à un clerc en goguette prêt à bien boire et à s’amuser avec le corps appétissant d’une fille de joie. Corbett lança un regard noir à
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