Satan à St Mary le bow
table.
— Comment vous, clerc expérimenté, avez-vous pu être assez stupide et assez inconscient pour faire traîner en longueur une affaire qui concerne personnellement le roi ? Pour qui donc vous prenez-vous, Messire ?
L’objet de son courroux se contenta de lui rendre regard pour regard et Burnell se tourna vers Seagrave.
— Où l’avez-vous trouvé ?
— A Cheapside. Seagrave cachait mal sa joie.
— Je pense qu’il allait voir sa maîtresse à la taverne. Burnell se tourna vers Corbett.
— Est-ce vrai ?
Ravalant sa colère, Corbett haussa les épaules.
— Seagrave n’a jamais su dire la vérité, Monseigneur, rétorqua-t-il. Il ne pourrait pas la dire même si cela devait le guérir de la vérole dont il est atteint !
Burnell coupa court au cri d’innocence outragé de Seagrave.
— Merci, Messire Seagrave, dit-il doucement. Vous vous êtes bien acquitté de votre tâche. Vous pouvez disposer à présent.
Le clerc offensé se retourna et jeta un regard noir à Corbett avant de sortir sans aucune dignité. Les gardes royaux le suivirent, s’efforçant de dissimuler leur satisfaction à voir ce clerc vaniteux remis à sa place.
Une fois tout le monde parti, Burnell montra un siège à Corbett.
— Vous feriez mieux de vous asseoir, maugréa-t-il. D’après ce que j’ai pu savoir, vous devez être épuisé par vos recherches bien que, jusqu’à présent, je n’en aie pas vu les fruits.
Corbett s’assit et s’apprêta à essuyer la tempête, mais, au lieu de cela, Burnell se leva et alla fermer la porte. Puis il revint et s’installa pesamment sur un coin de la table en observant Corbett.
— Mon bon clerc, reprit-il doucement, vous croyez peut-être que la tâche que je vous ai confiée est une tâche mineure. Vous vous demandez sans doute — et même certainement — pourquoi la mort d’un pauvre diable comme Duket me tracasse.
Il s’interrompit et fixa un point au-dessus de la tête de Corbett avant de continuer :
— Cela me tracasse parce que cela tracasse le roi. Il ne s’agit pas d’une querelle stupide ou d’une rixe pitoyable, mais de trahison envers la Couronne, envers la personne même du roi !
Le chancelier effleura la bague d’un de ses doigts boudinés avant de lancer un regard dur à Corbett.
— Vous savez parfaitement que les lois sur la trahison concernent aussi ceux qui ne font rien pour l’empêcher ? Vous, Messire, appartenez à cette catégorie et vous savez ce qu’il advient des traîtres !
Corbett frissonna à la menace sous-jacente, lui qui restait pourtant impavide devant toutes sortes de dangers. Édouard I er avait imaginé un nouveau châtiment pour les coupables de haute trahison. Le prince David de Galles {21} , vaincu, avait été le premier à en faire les frais quelques années auparavant. Le prince avait été capturé et ramené à Londres. Il avait affirmé qu’il s’était battu contre un envahisseur étranger, mais les juges de la Couronne avaient décrété qu’Édouard I er étant roi du pays de Galles, David était coupable de rébellion envers son suzerain. Il avait été condamné à être traîné par les pieds dans la boue et la fange des rues de Londres jusqu’au gibet aux Elms ; là, il avait été pendu, puis son corps descendu et éventré alors qu’il n’était qu’à demi mort ; ensuite son coeur avait été arraché, sa tête coupée et son corps écartelé en guise d’avertissement à ceux qui auraient pensé à conspirer contre la Couronne. Dissimulant bravement la panique et la terreur qu’il ressentait, Corbett regarda en face le visage replet du chancelier.
— Je ne suis pas un traître ! s’écria-t-il. Vous ne pouvez pas m’accuser d’un crime dont je ne sais rien. Il fouilla dans son escarcelle et en sortit son ordre de mission :
— Ceci dit que je dois enquêter sur le suicide d’un marchand de Londres dans une église de Londres. Il n’est fait nulle part mention de trahison. Et au cours de mes recherches, je n’ai rien trouvé qui ait un rapport, de près ou de loin, avec une quelconque déloyauté envers notre souverain et, à plus forte raison, avec de la haute trahison.
Le chancelier sourit devant l’intelligence et le sang-froid de la réponse, puis descendit lourdement de la table et revint s’asseoir sur sa chaise.
— Vous avez parfaitement raison, Hugh, lança-t-il, prononçant le prénom de Corbett pour la première fois. Nous vous avons confié
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