Sedan durant la guerre de 1914 à 1918
magasins à fourrages ; mais je l’ignore... »
L’Allemand fait alors monter M. Grandpierre dans l’automobile et l’on se dirige vers Torcy ; il y a, de ce côté, encombrement ; le maire dit au chauffeur de stopper un instant et interroge un passant pour savoir si l’on peut prendre à droite et gagner facilement les « fourrages. » Sur son affirmation, il donne cette indication au chauffeur; mais soit qu’il ait eu quelque défiance, soit qu’il ait conçu un autre dessein, l’officier fait pointer sur la gare et enjoint au maire de l’attendre sur le quai, d’où M. Grandpierre se rend compte que la bataille dure encore sur les hauteurs de la Marfée.
Un long temps s’écoule; enfin, l’Allemand reparaît, s’informe s’il est aisé de gagner à pied le magasin et s’y rend avec M. Grandpierre qui se trouve flanqué de Uhlans, révolver au poing, et suivi d’une vingtaine d’hommes. Arrivé au but : « Y a-t-il , questionne l’« offizier », quelques soldats français cachés ici ? » — Comment supposer , répond le maire, que des soldats français aient pu rester là »? — Par un de ses hommes muni d’un pieu, l’Allemand fait enfoncer un volet, et par la fenêtre on pénètre dans le vaste « hall » ; de Français, aucun ; mais d’avoine nullement !
L’officier fait mine de se fâcher. Sans se départir de son calme, M. Grandpierre rappelle qu’il ne lui a rien garanti ; et cette pénible odyssée du premier magistrat municipal se poursuit... L’on s’achemine de nouveau vers l’Hôtel de ville. L’escorte serre le maire de tout près : « Je vous connais bien, Monsieur Grandpierre, lui glisse tout-à-coup un des Allemands. » — « Si vous me connaissez, riposte le maire, vous pourriez faire alors un peu moins de zèle ! »
Il est tard lorsqu’on se retrouve sur la place Turenne. — Quoique gardé à vue, M. A. Grandpierre peut faire signe au secrétaire, M. H. Hubert, et au commissaire de police.
L’officier réquisitionne « tout ce qu’il y a dans les épiceries et les boulangeries. » Et pourquoi se gênerait-il ?... Des instructions sont passées aux boulangers et épiciers qui, dans les ténèbres, (car les conduites du gaz ont été coupées pendant la bataille), apportent sur la place, à la maigre et tremblotante lumière de falots ou de lanternes, une certaine quantité de denrées disponibles. M. M. Foucher peut fournir de l’avoine, et l’inventaire de ces différentes choses est dressé par le même officier qui remet un bon de réquisition au maire et lui donne la liberté de regagner enfin, après tant d’émotions et de fatigues, son domicile : il est onze heures et demie.
La même nuit, à quatre heures, des Allemands, baïonnette au canon, viennent rechercher M. Grandpierre, et le conduisent de la rue Carnot à la mairie ( 9 ). Nous sommes au jeudi 27 août : vers dix heures du matin, l’autorité allemande prend officiellement possession de la ville ; elle installe ses bureaux à la mairie; et une proclamation d’investissement, signée du généralissime, met la municipalité en demeure de verser une somme de deux cent mille francs en or, dans les vingt-quatre heures, c’est-à-dire pour le lendemain à midi.
Convoqué d’urgence, le conseil reçoit ces communications par le premier adjoint, M. Grandpierre, à qui tous pouvoirs sont remis en vue de faire face à cette lourde charge et d’éviter de néfastes mesures. — L’émission de papier-monnaie, ayant cours forcé, est, comme en 1870-71, décidée afin de permettre le remboursement aux prêteurs des sommes avancées.
Le Conseil se composait ainsi :
Présents: MM.
A. Grandpierre, premier adjoint ;
Massin, deuxième adjoint ;
Pime-Godron,
Bourdet,
Richard,
Gonthier,
Lamoline,
Dubois,
Hélin,
Porte
10
Mobilisés:
Frédéric Bacot, maire, lieutenant d’artillerie R.
Edmond Weill, lieutenant d’infanterie.
Léon Evrard, génie.
Froumy, artillerie.
Hansquine, soldat à Mézières.
Remy, infanterie.
Jean Stackler, lieutenant de chasseurs à pied R.
Riquoir, territoriale.
8
Décédés:
Renvoy,
Nouviaire
2
Démissionnaire:
Wilmet
1
Partis:
L. Charpentier, député à Paris.
Nivoix,
Chouzy,
Hilaire,
Servotte,
Vautelet.
6
27
Le flot allemand coule sur nous : c’est l’inondation, la submersion rapide que nous avions toujours redoutée, et nous ne serons que trop bien renseignés quand nous apprendrons que la cavalerie ennemie pousse même au-delà de Meaux, et que notre
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