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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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ce message en allant qualifier ce qui précède de digression paranoïaque, je ne m’en consolerais jamais !
    S’il se trouve qu’aujourd’hui en particulier je sois amené à me passer de petit déjeuner et à plus forte raison de femmes, il n’en reste pas moins que jusqu’à nouvel ordre c’est sous cette clarté arsenicale que j’envisage la courte traversée du Styx. Le coup de téléphone de Wierne ne saurait en rien modifier la tactique usuelle. D’ailleurs, qu’y puis-je ? À l’en croire, il ne me reste qu’un pion à manœuvrer pour sauver la mise. Or, cruellement, mon destin, variable et fantasque par excellence, se borne à m’abandonner en face de l’adversité avec, comme unique soutien, un garçon tel que Sicelli, pas de la race à s’affoler pour un incident aussi banal qu’un taulier qui s’est décidé à vous flanquer dehors. Quoi ! s’il lui avait fallu s’arracher les cheveux chaque fois qu’un de ses tauliers tournait à l’aigre, il aurait le caillou nu comme un cul de singe. Je ne vais pas me laisser avoir à la première alerte, du nerf ! Qu’est-ce qui m’emmerde, exactement ? Question becquetance, on me trouvera toujours un bout de brignole et un truc à avaler avec. Il se charge de ne pas me laisser crever de faim. Je ne veux pas entendre parler boulot, ça me regarde. Si je m’organise pour écrire mon bouquin fantôme, ça peut même très bien se défendre. Wierne n’est pas de cet avis ? Qu’est-ce que ça prouve ? Quant à une piaule, s’il m’en faut absolument une , on peut y penser aussi. (Sur le strict plan des projets, rien d’emblée ne semble impossible ni démesuré avec Sicelli.) Il peut demander à Anna. Elle a un grand studio pour elle toute seule. Ça ne lui coûtera rien de me faire un peu de place. Il va se renseigner. Mais avec elle, hein ! attention, pas touche ! On croit que c’est juste pour une partie de minet et puis on l’a dans l’os, poissé jusqu’au cou. C’est de l’amour qu’elle veut. Romantique , quoi ! Il y a aussi Rolande. Celle-là, ce serait presque l’idéal vu qu’elle travaille toute la journée. Et si je veux goûter à son baisoir elle en sera enchantée. L’essentiel, bien sûr, étant d’obtenir le logement. Eh bien, voilà, nous avons mis un peu d’ordre, ça ne valait pas le coup de se triturer.
    Je ne puis guère m’attendre ce soir à tirer davantage de Sicelli que ce flot de paroles encourageantes auxquelles il adjoindra un billet de mille emprunté pour moi à ses collègues de l’orchestre, si, par exception, ces derniers sont en fonds.
    Adoncques, que reste-t-il, Seigneur Jésus, à l’alouette éperdue, lorsque est venu le rude hiver des Karpates dépouillant l’arbre secourable ? Il lui reste un matelas chez Wierne. Par terre. Dans l’atelier. Je vois déjà où. Au fond contre le mur, près du casier de disques et des cartons à dessins qui s’entassent avec les toiles ratées, depuis des années. Il n’y a pas d’autre endroit libre. On poussera un peu la grande table et le bric-à-brac qui encombrent la partie la moins éclairée de l’atelier, l’autre étant religieusement consacrée au travail de l’artiste qui a besoin d’une lumière jaillissante sur son chevalet. Pour être franc, ce compromis du matelas par terre ne se présente pas à mon esprit indocile sous des couleurs séduisantes. Dieu sait que m’avoir sur le dos n’a jamais été une sinécure pour personne. Et Wierne a déjà assez à faire de se débrouiller pour son compte personnel. Ne tient-il pas lui aussi à son indépendance ? J’accepterais débonnairement la même situation avec la plupart des petits culs qui se disent mes amis, mais, pour si peu que j’aie de moralité, vivre aux crochets de Wierne, même provisoirement, ne cadre pas avec mes vues philosophiques. J’ai tout le temps d’aller voir Sicelli. Le soir, dans son bastringue, on ne risque pas de le déranger. Chez lui, il y a gros à parier que je le trouverai flanqué d’une femme en train de procéder à sa toilette intime ou à quelque autre besogne du même ordre. Bon Christophe, patron des voyageurs, tenez-moi en votre sainte garde !
    Si j’avais seulement une liquette propre à me mettre sur le dos pour sortir ! Du linge fraîchement lavé. Quelle douce sensation ce serait après un bain prolongé ! Le pantalon sans faux plis. La veste impeccable. Cravate assortie. Et rutilantes, les chaussures. Comme un sou neuf. Ça

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