Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
Vom Netzwerk:
bien élevés. Les maris sont là d’ailleurs et ne trouvent rien à redire. Lorgnent la voisine d’à côté. Avec retenue et savoir-vivre. Éducation. Pas des sauvages. Un raffinement indiscutable. On me regarde. Je les surprends. Mes cheveux trop longs. Mon air de guingois. Doivent se demander. Ne cherchez pas, mes petites levrettes ! C’est le génie qui me consume ! Quand ça se saura, vous écarterez mes œuvres d’une main dégoûtée et prendrez soin de les soustraire à la curiosité de vos rejetons chétifs, même si clandestinement vous vous en pourléchez les babines. Ce jour-là, vous aurez naturellement oublié ma silhouette passagère, mais continuez de regarder autour de vous, de repérer dans la grosse meute les quelques rares énergumènes qui tranchent sur le lot. Ceux-là sont mes successeurs directs. À eux est destinée la semence corrosive dont je saupoudre habilement les pages du présent livre, et qui, à coup sûr, échappera à vos masses encéphales gringalettes. À votre santé ! Est-ce assez glacé ?
    Pas refoutu les pieds dans un café de cette catégorie depuis mon cycle hollandais. Les consommations deux fois plus chères qu’ailleurs. Vous servent des sandwiches mignards. Au pain de mie. Tient pas au ventre. Un triangle de jambon de la minceur d’une feuille à cigarette. Ont affaire à tant d’estomacs débiles, tant d’appétits capricieux qui bouffent plutôt pour se passer le temps. Je serais dans d’excellentes dispositions pour compulser la carte. Établir un menu du soir en tenant compte de la température extérieure. Peu chargé, mais consistant néanmoins. Illustré d’un seul vin. Dans la gamme des rosés. M’a pas fait une fleur, le salaud de garçon ! La main un peu pingre quant à la dimension de mon sandwich. En quatre bouchées j’en aurai vu la fin. On dirait que le pain va les ruiner. Grigous dans le sang. De ma place, à la terrasse, par la porte ouverte à deux battants sur la salle, je vois le patron grassouillet encastré derrière sa caisse automatique au bout du bar. Je l’ai mauvaise. Moi qui pensais me taper un sandwich maousse. Je dirai au garçon ce que j’en pense en le payant. Impossible d’énumérer ce qu’ils seraient capables de faire, tous, pour quelques malheureux sous de plus. L’Iscariote n’était qu’un minime apprenti, j’en reviens à mon idée de tout à l’heure. Et pire encore qui se mijote pour le proche avenir, on peut prévoir. Je l’imagine, moi, leur surhomme en gestation. Gueule abêtie. Œil de poulet. Au gésier gras. Circulant sur un asphalte insonore broché d’or, taillé entre une rangée de banques aux façades délicatement incrustées d’émaux précieux, de diamants purs, cloutées de perles au cœur mat, sous les reflets de l’infrarouge d’une hallucinante lumière solaire en captivité. Contemplant chaque matin du haut de la fenêtre de son huit cent trentième étage l’agglomérat rutilant d’une ville dominée par la statue massive d’un dieu aurifié et triste perché comme un macaque dans un ciel synthétique au sommet branlant d’une tour de lingots scrupuleusement astiqués par l’équipe de nuit des robots dociles. Et si, par un pur hasard, le dieu mélancolique venait à fondre en larmes, il ne s’écoulerait sur la Cité des Merveilles qu’un orage de miel doux. Leur surhomme futur, bouffant, déglutinant l’or à belles dents. Goulu. Gavé. Repu. Les doigts coulés dans l’or brut en fusion. L’épiderme suintant cette richesse jaune. L’œsophage, la panse et l’intestin distillant l’or sous toutes ses formes. En poussière. En rondelles. En briquettes. En boudins. Assis sur un siège de vermeil et rubis, poussant ses entrailles au-dessus de la lunette platinée pour se vider par à-coups d’un monceau de vieil or récupérable. Polira inlassablement sa société cadavérique et morne. Pour récompense, la matraque du flic de service. Gardien et victime de l’abattoir construit de ses propres mains. Architecte du vide. Copulant avec la machine dans des lits de brindilles métalliques, à la recherche d’un code algébrique de l’amour et du bonheur. Présidant à toutes destinées, sauf à la sienne à laquelle il ne comprendra rien encore, même après avoir domestiqué la souffrance et la mort. Ne trouvant jamais sur son chemin que l’Or. L’Or pourri. L’Or maudit. Dégueulasse. La trahison de l’Or et sa désillusion. Et au bout de ce prodige – rien.

Weitere Kostenlose Bücher