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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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L’épouvante de soi. Démence. Désert et Crucifixion. Quelqu’un ne va-t-il pas bientôt songer à opérer la tumeur ? Avec la tournure d’esprit qui est mienne en ce moment, j’assisterais volontiers à la déflagration. Ne bougez plus d’un poil, ladies and gentlemen ! C’est la minute ! L’instant fatal ! La fin promise ! Les cavaliers déboulent l’avenue, chevaux écumants, brandissant le drapeau noir dans une tourmente de meurtres accumulés sur leur passage. Un gnome femelle, rabougri, va se camper en place publique, nu, accroupi, hurlant devant la foule terrorisée, les cuisses écartelées, obscène, le regard dilaté, tout entier recroquevillé sur le trou distendu de son sexe en gésine tenu au ras du sol, accouchant, déchiré, du long corps révulsé de l’Antéchrist prêchant aux hommes rassemblés, immobiles de stupeur, la révolte et la haine des jours derniers. Viendra la morsure de cette pluie de sel et de feu. Plaie noire de l’anéantissement. Dans la pesanteur étalée du silence, une fois le brasier apaisé, se soulèvera d’entre les morts un couple sans mémoire, épargné, hôtes fantomatiques de ces lieux arides, hébétés, gémissants, ne reconnaissant pas encore la délivrance de cette pauvreté sainte du dépouillement. Un couple écrasé de peur primitive, se rapprochant craintivement l’un de l’autre, joignant leurs corps brûlés et retrouvant la raison simple des gestes de la tendresse dans cette nouvelle sépulture de vie. Trop tard pour vous en tirer par une grimace de piété hypocrite ! Vive Dieu et bénis soient les testicules du Saint-Père !
    J’irai compisser les ruines bleuies d’une urine abondante. En espérant que la catastrophe aura pris soin d’exterminer l’engeance des tauliers, patrons de bistrots, marchands de boustifaille et tout ce qui s’ensuit hiérarchiquement dans la profession.
    Cette Apocalypse impromptu brossée entre deux gorgées de bière n’a malheureusement pas eu d’effet direct sur le volume de mon sandwich dont j’achève les dernières miettes. Sicelli m’aurait probablement invité à manger un morceau avec lui ce soir si j’étais allé le trouver à son domicile. Ça me gêne toujours un peu de m’amener chez un copain aux heures des repas. Pique-assiette. Pourvu que Sicelli puisse lancer un emprunt ce soir même. Demain je serai ce qui s’appelle raide comme un passe-lacet. Ce sont les minuscules emprunts répétés qui vous sapent le moral. Oblige de se traîner de mille balles en mille balles. Pas grand-chose à faire avec mille balles. Passé par les cigarettes, le sandwich, un métro, un coup à boire, à peine entamé, c’est foutu. Vous les devez. Mille de plus. On repart en chasse. Le cercle s’épuise vite. Les types rechignent, deviennent durailles. Entré avec l’intention de leur extorquer de quoi vivre pendant huit jours, on s’en va l’oreille basse avec juste la monnaie du métro, et encore pas toujours. Ils vous poussent amicalement vers la porte. C’est dans les choux. Ça m’aurait plu de les voir par un petit trou dès qu’ils ont réussi à se débarrasser de vous, la porte refermée sur vos talons. Les entendre soupirer de soulagement ou se frotter les mains en estimant qu’ils ne s’en sont pas mal tirés. Leurs réflexions, leurs commentaires, les entendre raconter la séance à leurs connasses chéries, le soir à table, en famille, avec les greluchots qui demandent qui était le monsieur mal habillé qui est venu voir papa. On ne pose pas de questions à table, mes amours. Mangez vos nouilles, et toi, mets ta serviette autour du cou, tu vas tacher ta petite cravate. Ce monsieur est quelqu’un qui trimbale un univers entier dans sa tête mal coiffée, si ça peut vous édifier. En outre, il se permet de temps à autre d’établir des dialogues d’amitié avec des gens aussi célèbres que Zosime ou Lao-Tseu. Il peut, en deux coups de cuillère à pot, faire surgir devant vos yeux émerveillés des choses bien oubliées, comme vous diriez le Temple de Salomon, la noble figure de Uitziliuitl, empereur des Aztèques, ou plus couramment bâtir pour vous des villes ultra-perfectionnées, et encore les détruire d’un revers de la main, comme en se jouant, sans se soucier des populations ni des splendeurs architecturales dont s’enorgueillissait cette ville qu’il rend au néant si l’idée lui en vient, tout à fait à la façon du Dieu qu’on vous enseigne au catéchisme,

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