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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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réprimer une de ces longues décharges condensées, onctueuses, qui entraînent avec elles des débris de cervelle. Campo ! Elle avale tout et se pourlèche. Je lui retire le jouet des mains. Elle me suit sur les genoux. Rampant. Nous passons dans la pièce à côté, la chambre, où je me laisse tomber sur le lit, abattu, avachi. Elle continue d’avaler coup sur coup. L’arôme javellisé de mon foutre, très probablement. Ses traits sont contractés, décomposés de plaisir, de désir, de vice. Comme si son con lui-même lui servait un instant de visage. Expressif au possible, d’ailleurs. Quant au véritable minet, celui sur lequel elle est assise au pied du lit, je suis sûr que si je me penchais pour y mettre la main, je le trouverais dans l’état d’une courgette blette.
    — Vous êtes donk revenu… Vous êtes donk revenu…, répète-t-elle à voix basse avec son terrible accent.
    Tout ce qui lui reste de voix à n’en pas douter. Filet ventriloque qui a de la peine à s’extraire de la mélasse qui doit glouglouter dans la poche fendue. Voix d’enfant malade. Voix d’enfant fiévreux. Inquiétante.
    « Vous êtes donk revenu…»
    Ne ferait-elle que s’en apercevoir ? Peut-être a-t-elle cru rêver tout à l’heure dans le vestibule, peut-être se croyait-elle revenue aux kermesses de son enfance un dimanche à Amsterdam ou sur les pousse-pousse de la fête foraine. Sacrée trouvaille, en fait de pouffiasse ! Encore jamais rencontrée de sa trempe.
    Eh oui ! me voici revenu ! Plus tôt que je ne le supposais. Pour une raison tristement précise et urgente. Qui n’a, hélas ! rien à voir avec nos ébats, si charmants soient-ils. Le fric. Tout bêtement. Le fric. L’expression la fait rire ! M’avez-vous bien compris, Elvire aux beaux nichons de nacre, indolente et suave sur la balustrade madrilène ? Que vous ne vous appeliez ni Elvire ni même Estelle aux yeux pers, que vous ayez passé l’âge des poitrines exaltantes ne change rien à l’affaire. J’ai besoin de cet argent d’ici à quelques heures. Dans nos régions, les tauliers qui vous logent ne plaisantent pas quand leur pognon est dans la balance et, pour tout vous dire, je suis déjà en avance d’une somme confortable à la comptabilité de l’usine qui m’emploie. Désolant, désolant, c’est ce que je ne cesse de me répéter à longueur d’années et même depuis le jour où j’ai cru pouvoir subvenir à ma pitance. C’est le fameux cercle vicieux que je verrais d’ailleurs plutôt sous la forme d’un cube étanche. Gagner sa vie selon les règles en vigueur est une rude épreuve qui vous plonge peu à peu dans un bain d’ennui neutre. Vous arrivez ainsi au-devant de moi comme une bouée providentielle. Ne vous morfondez pas, petite colombe, j’ai aussi beaucoup apprécié le reste, il va sans dire. Ce court prologue dans l’entrée était parfaitement réussi. Mais quoi ! prenons le temps de nous ressaisir un peu. De voir les choses objectivement. N’est-ce pas du foutre bel et bon que je vous ai servi aujourd’hui à plusieurs reprises ? En réfléchissant – et par pure nécessité, croyez-le bien, – je me suis dit que nous pourrions peut-être faire un compromis.
    Compromis. Un mot qui n’est pas encore inscrit dans le vocabulaire français de Mlle Van Hoeck. Mieux vaut lâcher le morceau crûment. Fixer son prix. Parlons net. Pourvu que vous trouviez une queue assez longue et bien portante, capable d’assurer la vidange au moins une fois par jour, tout le reste passe au second plan. C’est ainsi que je verrais la chose si j’étais femme. Mlle Van Hoeck ne proteste pas. Elle glousse. Elle glousse d’aise. Pigeon ramier à gorge chaude. On dirait que le rêve de toute sa vie a été de trouver un maquereau sur son chemin. L’idée de se payer un sexe d’homme comme elle achèterait un foulard à la mode ou un tube de rouge la transporte d’enthousiasme. Elle se précipite sur son sac à main, ouvre la pochette intérieure et le renverse sur la table de chevet. Je n’ai qu’à allonger le bras pour me servir. Un paquet de liasses. Avec les épingles.
    Des lustres que je n’avais vu une telle quantité d’argent. Présence réconfortante. Du papier, certes, rien que du papier. Mais aussi une vingtaine de bons repas, les bouteilles, les cigares, l’estomac plein, le soupir de bien-être, la chaleur au ventre et le sentiment surhumain d’emmerder la terre entière, tous les

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