Septentrion
songé à lui dédier un hymne. Un chant triomphal, horrifiant, que la foule imbécile entonnerait d’une seule voix lors des cérémonies importantes. Ne seriez-vous donc tous que des hérétiques ? Où est le Temple de l’Adoration Perpétuelle ? Où est la Flamme ? Le Tombeau illustre ? Dans quelle église le peuple pauvre peut-il aller se prosterner, se recueillir devant son idole ? La plus puissante des religions universelles reste à ce jour sans lieu de dévotion. Est-ce admissible ? Est-ce pensable ? Les fidèles espèrent, implorent qu’on leur accorde une représentation sacrée de ce mystère moderne. Que la communion soit de miettes d’argent entre les hommes. Que le péché soit de le maudire. Et que le riche soit intraitable, abject, odieux, et qu’il en reçoive récompense sur sa maison et sur les siens. Que le pauvre sache qu’il sera persécuté par son frère même, mis en tutelle jusqu’au jour de sa mort, non admis au festin ni à toucher seulement aux reliefs du festin, qu’il devra se tenir dans l’humiliation, n’avoir point d’aversion pour ce qui lui sera ordonné de repoussant au nom de l’argent, comme marcher sur les siens, matraque au poing, quand la misère les soulève, et que sa vie est à toute heure suspendue à quelques deniers. Voici enfin qui est clair !
Je choisis quant à moi de renier jusqu’à mon nom pour la somme qu’on voudra. Je fais vœu de ne plus me vêtir que de liasses semblables à celles que vous venez de mettre devant moi. Corrompu. Tout ce que nous mangerons désormais aura le goût de cet argent. Nos plaisirs communs sentiront le fétide du vieux billet fripé qui a traîné dans les poches avec les débris de tabac, la poussière, la crasse de doigts et le reste. Fumet excitant d’une particulière perversion. Nous ferons l’amour sur un sommier de pièces anciennes et, pour nous délasser, nous comparerons l’éclat respectif de la coquille d’or de nos fausses dents. La jouissance que nous tirerons l’un de l’autre aura été monnayée à l’avance. Nous aurons cette impression de mener une course de vitesse contre la rapidité de l’argent chaque fois que nous nous foutrons à poil pour baiser. Et qui sait ce que peut receler un sexe comme le vôtre. N’y aurait-il pas dedans un filon inexploité, une boue aurifère, quelque chose comme un élevage d’huîtres perlières ? Dernier point à vérifier. Je n’y manquerai pas. Comme nous allons être heureux ensemble d’un si parfait accord ! Fouillant votre ventre, vous dépeçant peu à peu dans l’espoir de vous arracher un gain ultime qui pourrait m’échapper, et vous, victime complice m’aidant à mener à bien cette besogne lugubre, à parachever votre mort. Si tout se passe normalement, je ne laisserai que la carcasse. Je saurai bientôt le prix exact de chaque partie de votre corps. Comme à l’étal. À quelles furieuses félicités n’atteindrons-nous pas, tendre et sainte Nora !
Nous entrouvrons dès maintenant les portes d’un enfer luxueux. Nos cheveux s’enflamment déjà. Torches vivantes. Nous suffoquons. Approchez, Nora, approchez. Tendez vos fesses. Ma pine est une lance d’incendie nouveau modèle qui, par un singulier hasard, ne fait qu’attiser le feu qui vous dévore. Aucune chance de nous en tirer indemnes. Je guide mon pénis vers la bouche rose du four crématoire. Votre sexe éclate à la chaleur. Je m’aperçois, mais trop tard, qu’il n’a plus de fond, chaise dépaillée. Entraîné par l’élan de haine, je sillonne dans l’obscurité votre corps perforé. J’entre si loin en vous que je serais incapable de dire où je me trouve. Gros intestin ou œsophage. Votre langue n’est peut-être que le bout de mon sexe qui vous aurait transpercée de part en part. Je suis un long boa tropical qui est venu nicher et pondre ses œufs au creux de votre estomac. Allons-nous découvrir maintenant que l’argent ne fait pas tout ? Que ce n’était qu’une supercherie ? Silence ! Le silence a la vertu de recouvrir les réalités. Éteignez tout autour de nous. La lumière est brutale sur votre peau de femme vieillissante. Dans le noir, un corps en remplace un autre. Je fais l’amour à mes propres désirs. Je fais l’amour à l’homme que je suis dans ma solitude et qui n’a que les mots pour s’exprimer. Quelle est la voix qui me demande d’un ton suppliant si je vous aime ? La vieille litanie qui recommence. Avez-vous donc
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