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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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cru aimer autrefois, un jour lointain, où donc et quand, pour quelle raison, un coup d’extase inexpliqué, peut-être qu’on bandait seulement, ça fait quinze ans, ça en fait trente, on a eu le temps de s’oublier à force de se voir tous les jours. La preuve est là. Abominable. Un sac femelle tout dégonflé. L’inséparable compagne des bons et mauvais jours. Toujours présente. Toujours fidèle. Elle chialera même à l’enterrement si on y passe le premier. Fin d’une union parmi tant d’autres. Néant total. La case en blanc au bas de la page sur le bilan. Ni amour ni haine. Tout plat, comme ça, à va je te pousse, le fil ténu des habitudes. Toutes les photos sont dans le tiroir. Munitions du souvenir. Sans elles on ne pourrait pas croire que c’est arrivé. Et voir les autres recommencer, ça leur flanque le bourdon nostalgique. Ils offrent de se dévouer, de rendre service aux jeunes mariés. Une lampe qu’on prête. Un réchaud. Des couvertures. Un bidet plus solide. Organisent une collecte parmi les habitués de l’hôtel aux fins du cadeau traditionnel. Chacun y va de son obole. Vœux et félicitations. Encore des mots. Poignées de main. Gueule attendrie du taulier devant le nouveau couple. Voilà un homme qui aime les situations claires, la gouape. C’est une secousse générale. Charivari à la limite du désespoir véreux. Médiocrité ravie. On viendrait leur bouffer le pain dans la gueule qu’ils approuveraient encore. Râlent pour la forme. En seconde main. Histoire de dire. De montrer qu’ils en ont. Mais bien en dedans, c’est sans levain. Ratatinés. Résignés tous à leur étable. Une femme, des loupiots, l’espérance, le rouge au zinc, le droit de brailler, de contredire, ciné, journal, dînette au vert par-ci par-là, façon de lorgner les gonzesses, les irréelles, les veloutées, celles qui chavirent dans l’impossible, un peu de rabiot pour les vieux jours aux tempes grises, le jardinet, l’extrême-onction, et c’est paré, ils sont béats, vont par le monde cahin-caha, au petit trot, sans savoir où, sans savoir comme, enfantillons, petits ménages.
    On aurait juste besoin d’un revolver géant et de vider le chargeur dans la cohue des dimanches, que pas un n’ait une chance d’en réchapper. Mais rien de semblable n’arrive. Ça continue à la ronde. Ni bien ni mal. Au tour suivant. Pour la relève. Les cloches bourdonnent. Les anneaux d’or. Bénédiction. Deux paumés de plus. Ils ont le livret dans la poche à la sortie. Comme un passeport pour forniquer. Ils font le tour des relations. Vont se montrer. Ici. À l’étage. De porte en porte. Entre détenus. Ils passent les dragées. J’en prends une, j’en prends deux. Merci beaucoup.
    C’est succulent. Mais fallait pas. Faites des folies. On sait ce que c’est. Que tout est cher. Les yeux de la tête. À présent, venez voir. Notre petite surprise. Oh ! presque rien. Menu cadeau. On s’est arrangé entre nous. Asseyez-vous. Une petite minute. Qu’on voie madame. Fasse connaissance. Ça pue un peu, excusez-nous. En bout de couloir, l’air s’en va mal. C’est à cause de la cour. Là, vous voyez ? D’en bas ça monte. Les vapeurs de cuisine de quatre immeubles réunis. Et les petits coins. Sans ça, l’hôtel serait plutôt bien. C’est bien sympa. On se connaît tous. Depuis le temps qu’on entend les engueulades des uns et des autres. Qu’on part à la même heure le matin pour revenir à la même heure le soir. Qu’on a pris le rythme de chacun dans l’oreille. Y a plus de secret. Les voisines qui réveillent tout le couloir quand leur mari les asticote. Et celles qui n’en finissent plus de se laver. Les tuyaux grincent, c’est comme partout. Nous sommes une vraie petite famille, vous verrez. Ça valait bien qu’on marque le coup par un cadeau. On n’a pas eu exactement ce qu’on voulait. Il nous a manqué un peu. On a fait acheter par Mlle Sergine qui a droit à une remise dans le magasin où elle travaille depuis que son salaud de macaroni l’a plaquée. En lui laissant une saleté par-dessus le marché. Ça coule tout blanc. La pauvre gosse. On s’en occupe. On la remonte. Bon. Parlons d’autre chose. Enfin, vous, c’est la lune de miel, pas vrai ? Veinards ! Vous avez bien raison. Profitez-en. Vous reprenez le travail après-demain ? Vous auriez dû demander votre lundi. Les patrons sont bien tous les mêmes. Charognes et compagnie. Heureusement, vous allez être

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