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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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Talion. Loi du bourreau. Je t’en foutrai à crier grâce. À rendre l’âme. Comme si j’empalais la Misère elle-même au bout de ma baïonnette.
    Cascade soudaine de Mlle Van Hoeck que j’avais pour ainsi dire oubliée sur la pointe de mon vit. S’échauffe dangereusement. Les quatre fers en l’air. Miaule d’une toute petite voix méconnaissable. Elle arrose le drap. Je me retire en douceur pour regarder cela de plus près. C’est un filet incolore. Qui suinte sans bruit. Comme le sang d’une blessure. Le long des deux grosses lèvres enflées. Source artificielle en réduction. (Qui me dira jamais pourquoi je me mets à penser brusquement aux régates universitaires britanniques que j’ai vues l’autre soir aux actualités cinématographiques ?) Miaule toujours et de plus belle depuis que je lui ai supprimé mon nœud. Doit sentir qu’il lui manque quelque chose de vital. S’agrippe aux draps. À poings fermés. La tête ballotte. Bat la campagne. Le plaisir est étrange à contempler. Comme un débat dans l’agonie. Peut-être que le sexe et la mort ne font qu’une seule et même chose. Idée chère à mon ami Martin qui, en tant que toubib, a eu l’occasion de retourner la question. J’examine de sang-froid. Comme si je voyais cela des coulisses d’un grand théâtre. Un crayon en main et je serais capable de prendre des notes sur le vif. Ce ruisselet ininterrompu que j’ai présentement sous les yeux me rappelle une foule de souvenirs cocasses sur telle ou telle femme qui s’est laissé enfiler par moi. J’aurais sûrement des tas de choses intéressantes à fixer sur le papier. Contours des sensations. Perception furtive. Devraient être calquées instantanément afin de conserver leur saveur. (Et imprimées telles quelles si c’était faisable.) Impossible de les mettre au réfrigérateur en attendant la fin de la canicule.
    C’est toujours dans des circonstances impraticables que l’envie d’écrire vous tombe dessus sans prévenir. Je crois que c’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles on n’écrit jamais exactement le livre qu’on avait initialement projeté. Mettons qu’une idée somptueuse vous assaille dans la rue ou dans l’autobus ou encore pendant que vous faites le tour du marché aux légumes. Idée incendiaire en général. De quoi tirer un développement de plusieurs pages. Tout à fait la piste d’envol qui vous manquait pour faire ronfler les moteurs pleins gaz. Sur le moment, c’est comme si l’on avait déjà décollé et pris de l’altitude, mais le temps de rentrer chez soi, de tourner la clef dans la serrure et de se jeter à sa table, l’idée s’est modifiée au point de n’être plus qu’une vague écorce sèche. On aura beau ensuite claquer de la langue le reste de la journée, on ne retrouvera plus le parfum insolite qui annonce le seuil de la caverne aux trésors. Que dirait Mlle Van Hoeck si je sautais du lit en lui demandant de but en blanc de me procurer d’urgence de l’encre et du papier ? Comprendrait-elle à quoi répond ce besoin impérieux de l’inspiration et qu’il serait, pour moi écrivain, de la plus haute importance d’essayer de faire couler vivant et chaud dans les pages d’un livre tout ce foutre qu’elle répand à la légère ? Cliché au millionième de seconde. Quitte à s’en tenir au négatif s’il le faut. Sans que le souci de reproduire s’intercale comme un tulle déformant entre son plaisir violent et le lecteur éventuel qui feuillettera mon livre le soir après dîner dans son fauteuil. Qu’il n’y ait pas de temps mort dans la vie ! Si j’étais peintre, comme Sicelli ou Simon Wierne, le génie consisterait à épingler Mlle Van Hoeck nue sur la toile. À la crucifier vivante dans la position où elle se trouve actuellement, cuisses en éventail, prenant soin de ne rien ajouter de superflu à la fresque sinon une cuvette ou une éponge pour recueillir ce liquide qui s’échappe. Peindre un papillon est une chose. En clouer un sur un bouchon en est une autre. Diamétralement opposée.
    J’en suis là de mon bref monologue intérieur lorsqu’elle reprend connaissance et s’étonne de cet entracte de ma part. Elle se soulève à moitié. Balbutie dans sa langue. (À ce moment-là, je trouve presque miraculeux de me farcir une Hollandaise. Fille de Rembrandt, si je ne me trompe. Pourquoi pas une Aléoutienne pendant que j’y suis ! Et plus miraculeux encore qu’elle consente à

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