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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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apartés avec elle-même, en galimatias hollandais, et cela jusqu’à ce que la discussion ressemble à un écheveau de fil de fer barbelé. À peine pense-t-on s’en dépêtrer qu’elle saute sur des preuves imaginaires de votre mauvaise foi. Elle sait, elle sait que vous mentez, que vous mentez tout le temps, tous les jours, à chaque minute, à chaque mot, à chaque silence, elle ne vous dira jamais comment elle le sait, mais cela n’en reste pas moins pour elle un point indéniable, vous avez le mensonge chevillé au corps, personnage répugnant, pas à prendre avec des pincettes. Calmez-vous un instant , ma chérie … La phrase qui déclencherait le détonateur, s’il en était besoin. Primo, elle n’a pas d’ordres à recevoir. Ici, c’est chez elle. Tout lui appartient. Le mobilier, les bibelots. Les bijoux. La bonniche. Moi. Tout. Alors, si elle a envie de faire un esclandre, ce n’est pas vos oignons. Personne ne l’empêchera de hurler ou d’appeler police secours si tel est son bon plaisir. On ne l’a jamais commandée, ça ne va pas commencer avec moi. Secundo, que je ne me fasse surtout pas d’illusions, je ne m’en tirerai pas par une pirouette. Un sale petit krapaud komme moi ! Il est bien possible qu’elle se contredise depuis le début. Et si ça lui plaît, à elle, de se contredire sans arrêt ? Que je ne la prenne pas pour plus bête qu’elle n’est. Les petits Français se ressemblent tous, n’est-ce pas ? se croient tous très fortiches, délurés, ont l’habitude de traiter les femmes comme des putains, oui, eh bien, pas avec elle ! Mlle Van Hoeck est un vieux crocodile. En ce moment, c’est moi la putain ! Ne confondons pas ! Au fait, je ne suis même pas français, ça lui revient ! Un raton, un rital, voilà tout ce que je peux me vanter d’être. Et Juif par-dessus le marché, naturellement, ça se sent à dix pas. Seul un Juif peut encaisser ce que j’encaisse, la bouche en cœur. Je ne veux pas l’avouer, mais je ne suis qu’un sale petit youd à la remorque des uns et des autres. Elle aurait dû s’en douter. Crasseux et orgueilleux comme je l’étais quand elle m’a trouvé, avec ces idées de me faire passer pour un artiste, – excellent prétexte à ne rien faire de mes dix doigts, – avec mes théories d’anarchiste, fainéant comme une couleuvre, vantard, vaniteux, soi-disant au-dessus du commun des mortels, en paroles, ça oui, pour les actes vous repasserez. Typiquement Juif à son avis. Bon pour lui casser les pieds comme je l’ai fait pendant toute la première quinzaine, tenant un langage soporifique sur la peinture, la poésie et sur cette chose, là, comment donc déjà ?… L’ésotérisme, c’est ça ! L’ésotérisme ! Il n’y a que les Juifs pour barboter dans pareille sauce ! Ai-je pu la faire bâiller soir après soir avec mes monologues alambiqués, ne tarissant pas d’éloges sur ma bande de dingos qui doivent probablement me ressembler, jamais un sou en poche, mais pavanant comme des paons, encore tout un tas de youpins, eux aussi, à coup sûr. Si elle avait su cela, elle ne m’aurait même pas jeté un regard. M’aurait laissé croupir dans ma misère et ma saleté, c’est la place des miens sous le soleil. (Pourquoi ne me liquide-t-elle pas sur-le-champ ? Mystère. Parions que ma queue, juive ou pas, doit peser lourd dans la balance.) L’énoncé des noms de la plupart de mes amis dont je lui ai parlé, ce Brandès, ou ce Simon Wierne, ça aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Le sujet l’envenime. Il n’est bientôt plus question d’autre chose. Je connais sa litanie du premier au dernier mot. Elle me l’a déjà resservie une bonne dizaine de fois. Entre par une oreille, sort par l’autre. Au bout d’un quart d’heure, je n’enregistre plus qu’un brouhaha approximatif ponctué par des coups de cymbales lorsqu’elle grimpe d’un ton. Sa voix surtout est exaspérante. Instrument contondant, si ça peut donner une idée. Entraîné comme je le suis, j’arrive presque à suivre n’importe quelle pensée pendant qu’elle rugit à mes côtés. Mon truc préféré consiste à me concentrer sur un objet. Une boîte d’allumettes sur la table. Partant de là, je me demande comment cet objet est fabriqué. J’essaie d’imaginer des ateliers, les machines, les ouvriers. Par combien de mains d’hommes et de femmes passe un objet quelconque avant de nous parvenir ? À quoi a pu penser

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