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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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justement. Mais la queue aussi c’est payant. À preuve les putes. Et elles ne sont pas les seules. Le cafard vous empoigne. Un tour vers la gare. La banlieue qui radine. Et puis qui repart. Essoufflée. Les grandes familles encordées, en file indienne, le dernier sur les bras, le prochain dans le bide, les autres qui suivent tant bien que mal en ronchonnant, papa a les billets, aller-retour, c’est la maffia pour les troisièmes, les places assises, priorité à jambe de bois. Ça bonde partout dans les wagons. Le week-end s’empile. Peut-être qu’on va rajouter une bétaillère en fin de convoi. On n’a plus le temps. Voilà que ça démarre. On s’est casé. Papa, coincé contre la porte des chiottes, a le sourire, cligne de l’œil à la marmaille. Content. Bon dimanche ! Leur joie de mites. De quoi dégobiller. Déprimant à voir. Surtout comme ça, à la vadrouille, à s’emmerder depuis le matin, sans un en poche. Et où aller avant la nuit ? Encore deux grandes heures à tuer. Plein les bottes. Si l’on pouvait tomber sur un type de connaissance qui vous attrape par le bras et vous emmène manger un morceau quelque part ! Autant s’imaginer qu’il va pleuvoir des roupettes de tigre ! Traîne ta bosse aux alentours et attends que ça passe. La ville s’encoquille de lumières. Des bleues. Des rouges. Morse publicitaire. Ça clignote aux façades. C’est pas mal. La bière qui mousse. La gaine qui moule. Les apéros. Acheter. Vendre. Acheter. Vendre. Acheter. Vendre. Encore. Tout le temps. Partout. Toujours. Acheter. Vendre. À supposer que vous ne soyez pas doués, pas mercantiles, caltez minables, laissez la place, pour l’amour de Dieu n’encombrez pas ! Les grands cafés sont combles derrière la vitre. Ça picole. Ça gazouille par tablées. Ça consulte la carte avec des mines dégoûtées. La langouste de Deauville est-elle fraîche, barman ? Et la pine de Dieu, barman, la pine de Dieu n’est-elle pas avariée depuis le temps ? Pour ce soir, nous nous contenterons d’un rognon de pygmée. Plein de calories, dit-on. Et toi, que te reste-t-il à croûter dans ta piaule ? Un bout de camembert séché, un verre de rouge au fond du litre et une demi-baguette. Pas de cigarettes, bien entendu. Tu rentres. Tu grignotes. Tu te fous au pieu. Un bouquin. Encore une connerie modèle courant. Rien à voir avec la journée que tu viens de vivre, ni même avec la vie de tous les gens que tu connais, ce serait trop beau ! Deux cents pages de charabia pensif qui ont l’air d’avoir été écrites par des macaques du précolombien ou par des habitants de la planète Chlouff, mais jamais par des types comme vous et moi, avec deux bras, deux jambes, une paire de ce que je pense et l’envie de partager un bon dîner entre copains. Viennent vous ressasser une fois encore le refrain usé des amours adultères. Si on s’en fout ! Vous susurrer des histoires dans l’absolu, comme si la vérole, les reins descendus, les prostates enflées et les chancres mous n’existaient pas. Leurs salades émotives. Leurs analyses au compte-gouttes. Prenez donc le spéculum et allez voir de quoi il retourne sous les combles, c’est ça qui nous intéresse.
    Voilà les bouquins. C’est romancé. Ça tombe des mains. Mouche la loupiote. Mieux vaut dormir. Si ça ne vient pas, tu peux toujours risquer une branlette en te fixant sur la procession des culs que tu as vus se tortiller dans la journée sans pouvoir y toucher.
    Pour demain, pas à t’en faire, petit père. Le programme est au point. Bizness d’usine.
    Recommencer. Ouais !… Retourner dans l’arène pendant que Nora de son côté jongle si gentiment avec son gros paquet d’argent flambant neuf. Ça demande réflexion. Refuser le royaume d’insouciance qu’elle m’ouvre à deux battants. Les flopées de nourriture. Les escapades en bagnole aux premiers soleils. L’auberge routière du five o’clock. Petites serveuses en or, graciles, coquettes, le cul mignon dans leurs jupettes noires. Un ensemble qui vous met les couilles et l’appétit en branle. Vous fait voir le monde sous des couleurs farceuses. Laisser tomber cette chère quiétude de l’appartement que j’aime par-dessus tout comme si je l’avais moi-même choisi et aménagé. Renoncer aux mille et une gâteries providentielles qui font de la vie courante un petit paradis concentrationnaire sur mesure où l’on peut à loisir feuilleter le catalogue complet des biens de cette

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