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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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qu’elle est, moins garce, moins tracassière, si elle consentait à faire un effort pour entrevoir les choses d’un peu plus haut, je crois bien que je tomberais à genoux en la vénérant. Parfois j’ai envie de lui sauter au cou et de l’embrasser comme une mère. Purs instants de lâcheté. Il est vrai qu’elle aurait pu me donner le sein quelque vingt ans plus tôt. Ce qu’elle a entre les cuisses n’est qu’une vieille poire flétrie qui me flanque des haut-le-cœur lorsqu’elle me la fourre d’autorité devant les lèvres pour que je la lui suce. Ce que nous faisons ensemble, cette vieille toquée et moi, est passablement dégoûtant, c’est entendu. Et après ? Les choses étant ce qu’elles sont, il n’y a pas à ergoter. La fête continue ! Le monde proprement dit, avec ses chausse-trappes et ses coups durs, n’a plus prise sur moi. La présence de Nora m’immunise. Je reste couché, indolent, bras en croix dans la marge blanche. Crucifié sur la plus haute branche. Je suis comme qui dirait en stage expiatoire dans les soutes hétéroclites du purgatoire sexuel. Ce qui se passe loin du pôle Van Hoeck n’est que suite d’arpèges en mineur. À croire que l’aiguille de la boussole est aimantée dans sa direction. Possible aussi que Nora soit à elle seule les quatre points cardinaux, et les douze signes du Zodiaque, et le clou de la main gauche de Seigneur Christ qui m’a demandé de le remplacer un moment sur la potence flageolante, le temps d’aller se dégourdir les jambes et de pissoter contre un arbre des environs. Rien de mal à cela si ce n’est que je ne le vois toujours pas revenir. Les jours qui passent, inoccupés, me laissent l’impression d’explorer un cadavre. Curieuse sensation, me direz-vous. Pas tellement quand vous saurez que ce cadavre c’est moi. Me ressemble comme deux gouttes d’eau. Or ce moribond d’un type peu commun se mêle d’avoir faim et soif, d’avoir des coliques et des besoins d’argent. Je n’ose trop me demander ce qui se produira quand il ne restera plus rien à explorer, quand la moindre parcelle de chair confite sera soigneusement dépiautée et que je pourrai en quelque sorte me contempler dans toute la froide rigueur de mon squelette suranné.
    Et pour en rester au présent – ce qui devait arriver arrive. À la manière Van Hoeck. De but en blanc. M’en souviens aussi clairement que si ça datait d’il y a un quart d’heure.
    Nous revenons du ciné où, comme à l’ordinaire, j’ai eu toutes les peines du monde à la faire se tenir à peu près tranquille, une de mes mains à la jointure sous la jupe, deux doigts en fourche galvaudant en pleine motte, l’autre lui pelotant un sein par l’échancrure de son corsage. Patin sur patin comme de juste. Les types du rang derrière, penchés sur nous à angle droit, se rinçant l’œil. J’ai l’habitude.
    Cette furie, exacerbée par la pénombre ou par l’ambiance de collectivité ou par les deux à la fois, n’a de cesse qu’elle ne m’ait glissé ses doigts dans la braguette. Au bout d’un court instant, c’est la petite guerre, les ruses de Sioux pour l’empêcher de parvenir à ses fins, de me le sortir en public. Rien que de très normal avec elle.
    Un demi glacé en sortant du spectacle dans le premier bistrot venu. Elle me passe les clefs de la voiture. Cap sur l’appartement. Aussitôt vautrée contre moi, cuisse à cuisse, la tête sur l’épaule. Elle le tire délicatement de sa niche, ses doigts pianotant tout leur saoul à présent qu’elle n’a plus à se gêner. Je conduis comme ça, mon outil à l’air, c’est dans le protocole. Et l’apercevant là, tout droit, tout bête, entre les tiges sous le volant, je prends chaque fois le fou rire. M’a l’air d’un objet anachronique. « Pauvre vieux, où sommes-nous allés nous nicher, toi et moi ! » ou encore : « N’as-tu pas honte, dis, vieux frère, dans la plus grande artère de la ville ? » Telle est la teneur des messages de cordiale sympathie que je lui adresse par voie télépathique tandis que, n’y résistant plus, Nora entame une pipe hâtive du bout des lèvres comme si elle voulait le tenir en forme pendant le laps de temps où nous roulons.
    Sincèrement, je n’aurais jamais cru que l’on pût se faire autant sucer en bagnole. Cadre plaisant d’ailleurs, force m’est d’en convenir. Elle me le range et me reboutonne elle-même pendant que je manœuvre pour caser la voiture.

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