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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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n’avait pas fait exprès et en était sorti choqué. Non pas d’avoir mis fin à une vie, mais que cela ait été si facile. Il revoyait sa main sur la gorge blanche de la fille, le désir exacerbé que lui avait procuré la peur qu’il avait lue dans ses yeux, quand elle s’était rendu compte que la violence de leurs ébats n’était que les prémices d’une possession plus totale et définitive.
    Sans son oncle, sa fortune et ses bonnes relations avec la mairie, Constant n’aurait pas échappé à la guillotine ou au bagne. En fait, on l’avait laissé filer sans autre forme de procès.
    L’expérience lui avait beaucoup appris, en particulier sur le pouvoir de l’argent. Face à lui, les faits n’avaient aucun poids, et l’on pouvait réécrire n’importe quel événement pour le tourner à son avantage. Oui, il avait su en tirer la leçon. Par la suite, il n’avait eu de cesse de s’attacher des gens, amis ou ennemis, par une savante combinaison d’obligations, de dettes et de peur, quand il le fallait. Pourtant, quelques années plus tard, il avait compris que toutes les leçons ont un prix. La fille avait fini par avoir sa revanche. Elle lui avait donné la maladie qui rongeait son oncle et lui gâchait la vie. Il ne pouvait plus la punir alors qu’elle reposait depuis des années six pieds sous terre, mais il s’était vengé sur d’autres.
    Tout en descendant du pont, il repensa au plaisir que lui avait procuré la mort de Marguerite Vernier et une bouffée de chaleur l’envahit. Un court instant, elle avait effacé l’humiliation que son fils lui faisait subir. Après toutes les femmes qui lui étaient passées entre les mains, il devait reconnaître que le plaisir était d’autant plus intense quand la victime était belle. Le jeu en valait la chandelle.
    Plus excité qu’il n’aurait voulu par ce souvenir, Constant avait senti sa respiration s’accélérer. Échauffé, il déboutonna son col. Le mélange de sang et de peur qui accompagnait ce genre d’expérience formait comme un parfum enivrant. Il serra les poings, se rappelant la sensation délicieuse de ce corps arqué qui lui résistait, de cette peau blanche profanée par ses mains avides.
    Après avoir descendu la rue de la Trivalle, Constant s’arrêta le temps de se reprendre, en découvrant la vue qui s’offrait à lui. Apparemment, les milliers de francs dépensés pour la restauration de la citadelle n’avaient pas amélioré le niveau de vie des habitants du quartier, constata-t-il avec dédain. Tout aussi délabré et misérable que trente ans plus tôt, il semblait crouler sous la main pesante du temps. À l’entrée des masures aux murs avachis, des gamins aux pieds nus traînaient par terre, dans la saleté. Une vieille aveugle emmitouflée dans des hardes puantes tendait la main aux passants. Sans un regard, Constant continua son chemin.
    Il traversa la place Saint-Gimer où se dressait la nouvelle église construite par Viollet-le-Duc, qu’il trouva fort laide. Sur ses talons, des gamins des rues accompagnés de chiens galeux se mirent à lui quémander quelques sous en proposant de lui servir de guide ou de messager. Il les ignora, jusqu’à ce que l’un d’eux s’approche d’un peu trop près. Levant sa canne ferrée, Constant le frappa d’un coup qui lui entailla la joue, et la meute de petits voyous décampa.
    Il arriva à une ruelle qui menait au pied des remparts de la Cité et la remonta. La chaussée était glissante, jonchée d’immondices, à l’image des laissés-pour-compte qui vivaient ici, en marge de la société. Des yeux l’épiaient par les fentes des persiennes.
    Il s’arrêta devant une petite maison écrasée par l’ombre des murailles et frappa de sa canne à la porte. Pour trouver Vernier et sa putain, il devait recourir aux offices de celui qui y habitait. Ensuite, il saurait se montrer patient. Oui, il attendrait aussi longtemps qu’il le faudrait dès qu’il serait certain que les Vernier étaient bien dans la région.
    Un guichet en bois fut tiré et, dans les yeux injectés de sang qui le fixèrent, la peur succéda vite à la surprise. Le guichet fut refermé. Puis, après un bruit de verrou tiré et de clef tournant dans la serrure, la porte s’ouvrit.
    Constant entra.

53.
    Domaine de la Cade
     
    Le venteux et changeant septembre céda la place à un octobre doux et clément.
    Deux semaines à peine s’étaient écoulées depuis que Léonie avait quitté

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