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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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d’angoisse.
    — Et maman, que vais-je lui dire ?
    — Elle sera déjà couchée.
    — Mais si elle ne l’est pas ? objecta-t-elle en essayant de différer le moment du départ.
    Il lui baisa la main.
    — Auquel cas, dis-lui de ne pas m’attendre.
    Anatole tendit le bras pour glisser un billet dans la main du cocher.
    — Rue de Berlin, annonça-t-il, puis il recula et tapa sur le côté de la voiture. Dors bien. Je te verrai au petit déjeuner.
    Le fouet claqua. Quand les chevaux s’élancèrent, les harnais cliquetèrent, leurs fers résonnèrent sur les pavés, et les lanternes tapèrent contre le côté du cabriolet. Léonie abaissa la vitre pour se pencher à la fenêtre. Debout dans une flaque de lumière jaune, sous les réverbères dont les becs de gaz grésillaient, Anatole tenait toujours sa cigarette d’où s’élevait une mince volute de fumée blanche.
    Pourquoi n’a-t-il pas voulu me dire ce qui l’avait mis en retard ? se demanda Léonie.
    Elle resta penchée à la fenêtre à le regarder tandis que la voiture remontait la rue Caumartin, passant devant l’hôtel Saint-Pétersbourg, le lycée Fontanes, où Anatole avait fait ses études, pour rejoindre le croisement de la rue Saint-Lazare.
    Juste avant que la voiture ne tourne le coin de la rue, Léonie aperçut une dernière fois son frère. Anatole jeta son mégot de cigarette dans le caniveau, puis tourna les talons pour rentrer dans le Bar Romain.

6.
    L’immeuble de la rue de Berlin était silencieux.
    Léonie ouvrit elle-même la porte avec sa clef et entra dans l’appartement. On avait laissé une lampe à pétrole allumée à son intention. Elle lâcha la clef dans la coupelle en porcelaine posée à côté du plateau du courrier, vide à cette heure. Écartant l’étole que sa mère y avait posée, elle se laissa tomber sur une chaise du couloir, ôta ses escarpins maculés de poussière, ses bas de soie, et se massa la plante des pieds en songeant à l’attitude fuyante d’Anatole. S’il n’y avait rien de répréhensible dans ses actes, alors pourquoi lui cachait-il la raison de son retard ?
    Léonie jeta un coup d’œil dans le couloir et vit que la porte de la chambre de sa mère était fermée. Pour une fois, elle en fut déçue. D’habitude sa compagnie lui pesait, elle jugeait ses sujets de conversation limités, sans surprise. Mais ce soir, elle n’avait pas envie de se retrouver seule.
    Elle prit la lampe et pénétra dans le salon. C’était une pièce spacieuse, qui occupait tout le devant de la maison et donnait sur la rue de Berlin. Les trois fenêtres étaient fermées, mais les rideaux de chintz jaune qui pendaient du plafond jusqu’au sol étaient restés ouverts.
    Posant la lampe sur la table, elle gagna la fenêtre pour regarder la rue déserte et s’aperçut alors qu’elle était transie jusqu’aux os. Elle songeait toujours à Anatole. Où se trouvait-il à cette heure ? Dans quel quartier de la ville ? Elle espérait de tout son cœur qu’il fût en sécurité.
    Enfin, des pensées insidieuses lui vinrent sur ce qui aurait pu se produire ce soir-là. Le courage qui l’avait soutenue tout au long de la soirée se tarit soudain, la laissant effrayée et craintive. C’était comme si chacun de ses membres, de ses muscles, de ses sens était submergé par le souvenir des scènes dont elle avait été le témoin.
    Du sang, de la violence, de la haine.
    Léonie ferma les yeux, mais chaque épisode repassa dans son esprit avec la précision de clichés photographiques. La puanteur qui s’était répandue quand les bombes artisanales remplies de pourriture et d’excréments avaient explosé. Les yeux vitreux de l’homme quand le couteau avait plongé dans sa poitrine, cet instant figé entre la vie et la mort.
    Il y avait un châle vert étalé sur le dos de la méridienne. Elle s’en enveloppa, baissa la flamme de la lampe à gaz et se pelotonna dans son fauteuil préféré, les jambes repliées sous elle.
    Soudain, de l’étage en dessous, de la musique filtra à travers les lattes du plancher. Léonie sourit. Achille à son piano, encore et toujours. Elle regarda l’heure à la pendule posée sur le manteau de la cheminée.
    Minuit passé.
    C’était bon de savoir qu’elle n’était pas seule à veiller dans l’immeuble. Il y avait quelque chose d’apaisant dans cette présence et elle s’enfonça plus profondément au creux du fauteuil en écoutant. Debussy jouait La

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