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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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avait voulu que les abonnés aient choisi précisément ce soir-là pour déclencher la manifestation la plus sanglante qu’ils eussent organisée jusqu’à ce jour.
    En inspirant profondément, il sentit pénétrer dans ses poumons l’air vif de ce petit matin de septembre mêlé aux fumées et aux vapeurs encrassées de la ville. La culpabilité qu’il éprouvait d’avoir fait faux bond à Léonie s’était évanouie durant les moments bénis où il avait tenu sa bien-aimée dans ses bras. Mais voilà qu’elle lui revenait, plus aiguë encore.
    Je lui revaudrai ça, se promit-il.
    Pressé par le temps, il accéléra le pas en revivant les délices de la nuit qui venait de s’écouler, savourant les impressions dont son amante avait imprégné son corps et son esprit, son parfum, la douceur de sa peau, de ses cheveux. Il était las des secrets et des faux-fuyants perpétuels. Dès qu’ils seraient loin de Paris, c’en serait fini des intrigues et des sorties imaginaires dans les maisons de jeu, fumeries d’opium, ou lieux de mauvaise vie qu’il inventait pour couvrir ses véritables allées et venues.
    Quant aux attaques des journaux dont il avait été victime, elles lui pesaient terriblement, d’autant qu’il était dans l’incapacité de défendre sa réputation. Il soupçonnait Constant de les avoir fomentées pour salir son nom. Cette souillure affectait aussi la position sociale de sa mère et de sa sœur. Son seul espoir, c’était qu’il resterait assez de temps pour réparer la situation, quand l’affaire éclaterait au grand jour.
    Comme il tournait au coin de la rue, une méchante rafale de vent lui cingla le dos. Il resserra sa veste sur lui en regrettant de ne pas avoir de foulard et traversa la rue Saint-Marc, perdu dans ses pensées, ne songeant qu’aux jours et aux semaines à venir de sorte qu’il en oubliait le présent, et n’avait aucune conscience de ce qui l’entourait.
    C’est pourquoi il n’entendit pas tout de suite les pas derrière lui, qui se rapprochaient en s’accélérant. Aux aguets, il se rendit compte qu’en habit de soirée, sans arme, sans escorte, avec peut-être en poche ses gains de la nuit remportés aux tables de jeu, il faisait une proie rêvée pour les détrousseurs de tout poil.
    Anatole marcha plus vite. Ses pisteurs, dont il avait deviné au bruit de leurs pas qu’ils étaient deux, l’imitèrent.
    Certain à présent qu’ils l’avaient pris pour cible, il fonça droit dans le passage des Panoramas en se disant que, s’il pouvait couper par là pour déboucher sur le boulevard Montmartre, il y trouverait des cafés déjà ouverts, des voitures de livraison, et y serait en sécurité.
    Quelques réverbères diffusaient encore une froide lumière bleutée. Il longea l’enfilade d’échoppes étroites qui vendaient des timbres et des ex-voto, l’atelier de l’ébéniste exposant en vitrine une commode ancienne en restauration, ainsi que divers antiquaires et vendeurs d’objets d’art.
    Ils étaient toujours après lui.
    Anatole sentit la peur l’aiguillonner. Il chercha dans sa poche de quoi se défendre, mais n’y trouva rien qui puisse lui servir d’arme.
    Il avança plus vite, résistant à l’envie de courir.
    Mieux valait garder la tête haute et faire comme si tout allait bien. Se persuader qu’il réussirait à passer de l’autre côté avant qu’ils aient eu la possibilité de frapper.
    Alors il les entendit courir. Dans la vitrine de chez Stem, le graveur, il aperçut un éclair, un reflet de lumière évoquant un mouvement vif et saccadé. Anatole fit volte-face, juste à temps pour parer le coup de poing qui s’abattait sur lui. Il le reçut au-dessus de l’œil gauche, mais son geste avait amorti le choc, et il réussit à frapper en retour. Son agresseur portait une casquette en laine et un foulard noir sur le visage. Il poussa un grognement, mais aussitôt Anatole sentit l’autre lui coincer les bras par-derrière, le laissant sans défense. Un premier coup dans le ventre lui coupa le souffle, puis une volée de directs en pleine face fit valser sa tête d’un côté à l’autre.
    Du sang coulait de sa paupière, mais il réussit à courber l’échine en se contorsionnant pour amortir la violence des coups. L’homme qui le tenait portait lui aussi un foulard sur le visage mais pas de couvre-chef, de sorte qu’on voyait son cuir chevelu couvert de cloques rouge vif. Anatole releva le genou pour lui décocher

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