Sépulcre
pente raide. La nature du terrain avait changé et, bientôt, la terre succéda sous ses bottines à un lit de bruyères et de pommes de pin. L’endroit, bordé de buissons et d’arbres, était entièrement dénudé. C’était comme si on avait arraché un lambeau au paysage, en ne laissant qu’une bande de papier brun.
Léonie s’arrêta pour regarder devant elle. Le mur escarpé de la colline se dressait devant elle, lui barrant la voie. Au-dessus de sa tête se trouvait une plateforme naturelle, qui ressemblait presque à un pont surplombant la bande de terre où elle se trouvait. Sans doute s’agissait-il d’un lit de rivière asséché. Jadis, un torrent, surgi en grondant de l’une des anciennes sources celtes des cimes, avait creusé cette profonde dépression à flanc de colline.
Les paroles de M. Baillard lui revinrent à l’esprit.
Cachées sous le lit tari de la rivière, là où les rois anciens furent jadis ensevelis.
Léonie regarda autour d’elle, recherchant quelque chose qui sorte de l’ordinaire, examinant la forme du terrain, des arbres, des broussailles. Son attention fut attirée par une dépression peu profonde dans le sol, et par une roche grise et plate à côté de celle-ci, à peine visible sous les racines et les branches enchevêtrées d’un genévrier sauvage.
Elle s’en rapprocha et s’accroupit. Elle tendit la main pour arracher les broussailles entremêlées et scruta l’espace humide et vert où s’enfonçaient les racines. Elle distinguait un cercle de pierres, huit en tout. Elle plongea les mains, tachant ses gants de vase et de boue, pour essayer de découvrir ce que cachait le feuillage.
La plus grande des pierres fut facile à déloger. Léonie, assise par terre, la posa sur ses genoux. On avait dessiné un motif sur la pierre avec du goudron ou de la peinture noire. Une étoile à cinq pointes entourée d’un cercle.
Pressée de savoir si elle était tombée par hasard sur l’endroit où le jeu de tarot était dissimulé, Léonie creusa autour de chacune des pierres à l’aide d’un bout de bois, en amassant la terre sur le côté. Elle aperçut un fragment de tissu épais caché par la boue et maintenu en place par les pierres.
Elle continua à creuser, en se servant d’une branche morte comme d’une pelle, grattant les cailloux et des tessons de tuiles jusqu’à ce qu’elle parvienne à extirper le bout de tissu. Il recouvrait un petit trou. Galvanisée, elle le sonda du bâton pour tenter de dégager ce qui y était enterré, repoussant la boue, les vers de terre et les hannetons noirs jusqu’à ce qu’elle tombe sur quelque chose de solide.
Après un dernier effort, elle mit au jour un coffret en bois auquel étaient fixées des poignées métalliques. Elle les agrippa de ses gants maculés de boue et tenta de le soulever. La terre ne voulait pas céder, mais Léonie tira et tordit le coffret dans tous les sens jusqu’à ce qu’enfin elle lui abandonnât son trésor avec un bruit de succion.
Haletante, Léonie hissa la boîte hors de la dépression jusqu’à un coin de terre sèche et la posa sur le tissu. Elle sacrifia ses gants pour nettoyer le couvercle en bois et le souleva lentement. Une autre boîte se trouvait à l’intérieur, un coffre-fort en métal semblable à celui où sa mère rangeait ses possessions les plus précieuses.
Elle sortit le coffre-fort, referma le coffret et posa la boîte métallique sur le couvercle. Elle était fermée par un petit cadenas. Léonie fut étonnée de constater qu’il était ouvert. Elle tenta de soulever le couvercle, centimètre par centimètre. Il grinça mais céda assez aisément.
Les arbres ne laissaient filtrer qu’une faible lumière et ce qui se trouvait à l’intérieur du coffre-fort était de couleur sombre. Quand elle fut habituée à la pénombre, elle distingua un paquet enveloppé d’un tissu foncé, qui avait la taille et les proportions d’un jeu de cartes. Elle essuya ses mains humides sur ses jupons, puis écarta avec précaution les coins du bout de tissu.
Elle contemplait le dos d’une carte à jouer, plus grande que celles auxquelles elle était habituée. Il était vert forêt, orné d’un motif tourbillonnant de lignes or et argent en filigrane.
Léonie s’arrêta un instant pour se donner courage. Elle inspira, compta mentalement jusqu’à trois et retourna la carte du dessus.
L’image étrange d’un homme au teint sombre, vêtu d’une longue robe
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