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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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dans la montagne, aux misérables qui suivaient les marchés de village en village. Il fit couler le fiel de Constant dans l’oreille des drapiers et des vitriers, des cireurs de chaussures et des filles de cuisine.
    Les villageois étaient superstitieux et crédules. Leurs traditions, leurs mythes et leurs souvenirs corroboraient les calomnies de Constant. On murmurait que les marques laissées sur les victimes n’étaient pas celles des griffes d’un animal. Qu’on entendait d’étranges hurlements dans la nuit. Que des miasmes putrides flottaient dans l’air. Tout cela démontrait qu’un démon était venu punir le mariage contre nature contracté au Domaine de la Cade entre la veuve Lascombe et le neveu de son mari.
    Tous trois étaient morts, désormais.
    À l’aide de ses fils invisibles, Constant resserrait sa nasse autour du Domaine de la Cade.
    Cependant, toutes ces agressions n’avaient pas été perpétrées par son valet. Constant supposait qu’il s’agissait de chats sauvages ou de loups rôdant dans les pâturages de haute altitude.
    Puisque l’inspecteur Bouchon avait pris sa retraite, le moment était venu d’agir. Parce qu’il avait trop attendu, il avait perdu l’occasion de punir Isolde comme elle le méritait. De plus, malgré ses cures thermales incessantes et ses traitements au mercure et au laudanum, Constant se mourait. Il savait qu’avant longtemps il perdrait l’esprit. Il reconnaissait les symptômes et pouvait poser un diagnostic plus sûr que celui de n’importe quel médecin. Sa seule crainte, c’était que sa lucidité s’éteigne, soufflée comme la flamme d’une bougie, avant que la mort ne s’abatte sur lui.
    Constant comptait franchir la frontière début septembre pour regagner Rennes-les-Bains. Vernier était mort. Isolde aussi. Restait leur fils.
    De la poche de son gilet, il tira la montre dérobée à Vernier au passage des Panoramas, près de six ans auparavant. Dans les ombres qui s’allongeaient, il la retourna dans ses mains rongées de syphilitique en pensant à son Isolde.

92.
    Le 20 septembre, date anniversaire du meurtre de Marguerite Vernier, un autre enfant fut enlevé sur la berge du fleuve, en aval de Sougraigne. C’était le premier depuis plus d’un mois. Le corps de la fillette fut retrouvé près de la fontaine des Amoureux, le visage défiguré par des balafres aux joues et au front. Contrairement aux autres enfants, gamins des rues vite oubliés, c’était la cadette adorée d’une grande famille qui avait des parents dans plusieurs villages de l’Aude et de la Salz.
    Deux jours plus tard, deux garçons disparurent dans la forêt aux environs du lac de Barrenc, censé être hanté par un démon. Leurs corps furent découverts au bout d’une semaine, dans un état si lamentable qu’on mit du temps à s’apercevoir qu’eux aussi avaient été lacérés par un animal.
    Léonie tenta de ne pas prêter attention à la coïncidence des dates. Tant qu’on eut l’espoir de retrouver les enfants sains et saufs, elle offrit l’aide de ses domestiques pour participer aux battues. On la refusa. Pour ne pas effrayer Louis-Anatole, elle restait calme en apparence, mais pour la première fois elle songeait à quitter le Domaine de la Cade, du moins jusqu’à ce que la tempête fut passée.
    M e  Fromilhague et M me  Bousquet soutenaient qu’il s’agissait certainement de chiens sauvages ou de loups descendus des montagnes. Tant qu’il faisait jour, Léonie pouvait, elle aussi, mépriser les rumeurs de démons ou de créatures surnaturelles. Mais à la tombée de la nuit, connaissant l’histoire du sépulcre et la présence des cartes sur les terres, elle en était moins sûre.
    En ville, l’ambiance devenait de plus en plus menaçante. Le Domaine subit plusieurs actes de vandalisme.
    Un après-midi, Léonie rentra d’une promenade dans les bois pour trouver un attroupement de domestiques devant la porte de l’un des bâtiments de la propriété.
    Intriguée, elle pressa le pas.
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.
    Pascal fit volte-face, l’air horrifié, pour lui cacher le spectacle de sa robuste silhouette.
    — Rien, madama.
    Léonie scruta son visage, puis ceux du jardinier et de son fils Émile. Elle avança d’un pas.
    — Pascal ?
    — S’il vous plaît, madama, ce n’est pas un spectacle pour vous.
    Le regard de Léonie se durcit.
    — Allez, dit-elle d’un ton dégagé. Je ne suis plus une enfant.

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