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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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pointus – les alcôves qui donnaient sur le fleuve. Léonie chuchota à l’oreille de Louis-Anatole, comme si elle lui confiait un grand secret, qu’on disait que l’évêque de Carcassonne en personne s’était aventuré hors de son évêché pour assister à cette grande fête républicaine.
    La nuit tombée, les clients des restaurants du quartier se joignirent aux badauds sur le vieux pont. La foule devenait cohue. Léonie jeta un coup d’œil à son neveu : elle redoutait qu’il ne fut un peu trop tard pour qu’il fut dehors, ou que l’odeur de la poudre l’effrayât. Mais elle constata, ravie, que Louis-Anatole affichait la même expression de concentration intense qu’Achille Debussy lorsqu’il composait sa musique.
    Léonie sourit en constatant qu’elle était désormais capable de savourer ses souvenirs sans se sentir écrasée par son deuil.
    À cet instant, la cité s’embrasa. Les murs médiévaux furent baignés de flammes furieuses, rouges et orangées, d’étincelles et de fumée de toutes les couleurs. Les fusées s’élançaient en sifflant dans le ciel nocturne avant d’exploser.
    Des nuages de vapeur âcre roulèrent de la colline vers le fleuve, piquant les yeux des spectateurs, mais la splendeur du spectacle en compensait l’inconfort. Le ciel bleu était mauve, maintenant, illuminé de feux d’artifice verts, blancs et rouges qui enveloppaient la citadelle de flammes, de tonnerre et de lumière aveuglante.
    Léonie sentit la petite main chaude de Louis-Anatole se glisser jusqu’à son épaule. Elle la recouvrit de la sienne. Ceci marquait peut-être un nouveau début ? Le chagrin qui dominait son existence depuis si longtemps, trop longtemps, relâcherait peut-être son emprise, permettant d’envisager un avenir plus heureux.
    — À l’avenir, souffla-t-elle en pensant à Anatole.
    Louis-Anatole l’entendit.
    — À l’avenir, tante Léonie.
    Il se tut, avant d’ajouter :
    — Si je suis sage, on pourra revenir l’an prochain ?
     
    À la fin du spectacle, la foule se dispersa et Pascal transporta le garçonnet ensommeillé jusqu’à leur pension.
    Léonie le coucha. Tout en lui promettant une nouvelle expédition l’année suivante, elle l’embrassa et se retira en lui laissant une bougie allumée, comme toujours, pour éloigner les fantômes, les mauvais esprits et les monstres de la nuit. Elle était épuisée, autant par les sensations fortes de la journée que par ses émotions. Le souvenir de son frère – et du rôle qu’elle avait joué en guidant Victor Constant jusqu’à lui – l’avait constamment taraudée.
    Pour être sûre de dormir, Léonie se prépara un somnifère. Elle regarda la poudre blanche se dissoudre dans un verre de cognac chaud. Elle le but lentement, puis se glissa entre les draps et sombra dans un lourd sommeil sans rêves.
     
    Une aube brumeuse rampait sur les eaux de l’Aude ; les pâles lueurs du matin redonnaient forme au monde.
    Les berges du fleuve et les pavés de la Bastide étaient jonchés de papiers. La pointe cassée d’une canne de buis, une partition piétinée par la foule, une casquette égarée. Et, partout, les prospectus de M. Sabatier.
    L’eau de l’Aude, lisse comme un miroir, remuait à peine dans le calme de l’aurore. Le vieux passeur Baptistin Cros, surnommé Tistou par les Carcassonnais, manœuvrait son bac à fond plat sur le fleuve en direction du barrage de Païcherou. En amont, il y avait peu de traces de la fête du 14 juillet. Ni cartouches, ni serpentins, ni odeur de poudre ou papiers roussis. Il contempla la lueur violette qui nimbait la montagne Noire au nord tandis que le ciel passait du noir au bleu, puis à la blancheur du matin.
    La perche de Tistou heurta quelque chose, sous l’eau. Il se retourna pour voir de quoi il s’agissait.
    C’était un cadavre.
    Lentement, le vieux passeur fit faire demi-tour à son bac. L’eau clapota jusqu’au bord de la coque sans s’y déverser. Il s’arrêta un instant.
    Les câbles qui reliaient les deux rives du fleuve pour sa traversée semblaient chanter dans le doux air matinal, bien qu’il n’y eût pas un souffle de vent.
    Tistou ancra son bateau en plongeant profondément sa perche dans la boue et s’agenouilla pour scruter les eaux. Sous leur surface verte, il distinguait tout juste la silhouette d’une femme. Elle flottait à moitié, sur le ventre. Tistou en fut soulagé. Les yeux vitreux des noyés étaient difficiles à

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