Sépulcre
contreforts de roche grise, là où les montagnes descendaient jusqu’à la ville.
Puis le bruit du moteur s’estompa et ce fut de nouveau le silence.
Meredith suivit le sentier jusqu’au moment où elle ne put aller plus loin. Elle se retrouva à l’entrée d’un tunnel qui s’enfonçait sous la route, dans le flanc de la montagne.
Peut-être un collecteur d’eaux pluviales, ou un drain en cas d’inondation ?
Posant la main sur la bordure en brique, Meredith se pencha pour regarder à l’intérieur et sentit aussitôt sur sa peau la morsure de l’humidité que recelait la voûte en pierre. L’eau qui s’engouffrait dans l’étroit chenal courait plus vite sur les rochers aux arêtes saillantes, éclaboussant au passage les murs de brique.
Il y avait un rebord juste assez large pour marcher dessus.
Ce n’est pas une raison pour y aller…, se dit-elle.
Pourtant elle baissa la tête et, s’appuyant de la main droite sur les parois du tunnel pour garder l’équilibre, elle avança dans la pénombre. L’air chargé d’humidité, d’écume, d’odeur de mousse et de lichen la saisit. Le rebord devint plus glissant à mesure qu’elle avançait pas à pas. Bientôt la pénombre du dehors ne fut plus qu’un miroitement violine et elle ne distingua plus la berge.
Courbant la nuque pour ne pas se cogner la tête contre la voûte en pierre, Meredith s’arrêta pour regarder l’eau en contrebas. Elle vit des bancs de petits poissons noirs fuser entre des algues vertes aplaties par la force du courant, qui frisait les arêtes des pierres et des rocs immergés d’une dentelle d’écume blanche.
Bercée par le bruit et le mouvement de l’eau, Meredith s’accroupit et ses yeux s’y perdirent. Cet endroit inspirait un sentiment de paix, c’était un lieu caché, secret, où elle pouvait plus facilement évoquer le passé. En contemplant l’eau, elle imaginait sans mal des garçonnets en culottes courtes allant pieds nus et des petites filles aux boucles retenues par des rubans en satin jouant à cache-cache sous ce vieux pont. Et l’écho des voix de leurs parents, qui les appelaient depuis l’autre rive.
Un bref instant, Meredith crut voir sous l’eau le contour d’un visage. Elle plissa les yeux. Le silence semblait plus profond. L’air vide et froid, comme si toute vie en avait été aspirée. Soudain ses sens s’aiguisèrent, son cœur se mit à battre plus vite.
Ce n’était que mon reflet, se rassura-t-elle.
En se traitant de poule mouillée, elle regarda de nouveau dans le miroir clapoteux de l’eau.
Cette fois, pas de doute. Il y avait un visage sous la surface de l’eau. Ce n’était pas un reflet, même si Meredith eut l’impression de deviner ses propres traits cachés derrière l’image, mais une jeune fille, dont les longs cheveux dénoués ondulaient dans le courant, telle une Ophélie moderne. Alors elle ouvrit lentement les yeux et son regard franc et clair soutint, celui de Meredith. Des yeux d’un vert translucide, contenant en eux toutes les nuances changeantes de l’eau.
Sous le choc, Meredith poussa un cri et fit un bond en arrière. Manquant perdre l’équilibre, elle jeta ses mains derrière elle pour se retenir au mur. Puis se força à regarder de nouveau.
Plus rien…
Rien du tout. Aucun reflet ni apparition, juste les contours déformés des rochers et du bois flotté remué par le courant, les ondulations des herbes couchées qui dansaient au fil de l’eau.
Meredith n’eut plus qu’une envie, sortir de ce tunnel. En glissant et trébuchant, elle avança petit à petit sur le rebord et se retrouva enfin à l’air libre, tremblant sur ses jambes. Ôtant son sac de son épaule, elle s’effondra sur un tapis d’herbe sèche et remonta les genoux sous son menton. Au-dessus d’elle sur la route, deux traits de lumière fusèrent alors qu’une autre voiture sortait de la ville.
Est-ce que ça commence ?
Sa plus grande peur, c’était que se manifeste chez elle la maladie de sa mère, cette forme de délire où Jeanette voyait et entendait des choses que personne d’autre ne percevait.
Elle inspira et expira profondément.
Je ne suis pas comme elle.
Meredith s’accorda encore un peu de temps, puis se releva. Elle se brossa, enleva la glaise et les herbes accumulées sous les semelles de ses baskets, ramassa son sac et revint sur ses pas en traversant la passerelle jusqu’au sentier.
Elle était encore ébranlée, mais surtout elle
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