Sépulcre
plus petite qu’elle ne l’avait imaginée et la grand-rue méritait assez mal son nom. Elle était à peine assez large pour laisser passer deux voitures et complètement déserte à cette heure, mais Meredith lui trouva du charme.
Elle croisa un bâtiment en pierre assez laid, puis un joli square en retrait appelé jardin de Paul-Courrent, d’après la plaque qui figurait à l’entrée, et vit sur le mur un panneau indiquant le pont de fer. Soudain elle pila, et la voiture s’arrêta juste à temps pour ne pas tamponner l’arrière d’une Peugeot bleue stationnée devant elle, dernière d’une courte file de voitures. Meredith éteignit la radio et, abaissant sa vitre, elle se pencha pour mieux voir ce qui se passait-dans la rue. Un petit groupe d’ouvriers s’activait auprès d’un panneau routier jaune marqué route barrée.
Le conducteur de la Peugeot sortit et s’approcha des cantonniers en vitupérant. Meredith attendit, mais voyant deux autres conducteurs sortir de leurs véhicules, elle fit de même, alors que le type à la Peugeot faisait demi-tour pour regagner sa voiture. Proche de la soixantaine, c’était un homme séduisant quoique un peu empâté, qui grisonnait sur les tempes. Il avait de l’allure, et le comportement de quelqu’un habitué à faire ses quatre volontés. Ce qui frappa surtout Meredith, ce fut sa tenue très habillée, veston noir, pantalon noir, chaussures lustrées.
Elle jeta un coup d’œil à sa plaque d’immatriculation. Elle finissait par un 11, le chiffre du département.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle alors qu’il arrivait à sa hauteur.
— Tree’s down , répondit-il brusquement, sans même la regarder.
Un arbre abattu. Meredith fut vexée qu’il lui ait répondu en anglais. Son accent était-il mauvais à ce point ?
— Et combien de temps cela va-t-il durer, d’après eux ? lança-t-elle.
— Au moins une demi-heure, répliqua-t-il en montant dans sa voiture. Ce qui peut aussi bien signifier trois heures, dans le Midi. Ou même nous mener jusqu’à demain.
Manifestement, il avait hâte de repartir. Meredith s’avança et le retint en posant une main sur la portière de sa voiture.
— Y a-t-il un autre chemin ?
Cette fois, il daigna enfin la regarder. Il avait des yeux bleu acier, très directs.
— Il faut retourner à Couiza et passer les collines en direction de Rennes-le-Château, dit-il. Vous en avez pour quarante minutes, à cette heure. À votre place, j’attendrais. Dans le noir, ce n’est pas évident de se repérer et vous risquez fort de vous égarer. Bon, si vous voulez bien m’excuser ? dit-il en posant un regard appuyé sur sa main.
— Merci pour votre aide, dit Meredith en rougissant, et elle recula d’un pas.
Elle le regarda faire marche arrière pour se garer le long du trottoir, puis descendre de voiture et s’éloigner à pied dans la grand-rue.
— Pas commode, marmonna-t-elle, sans savoir au juste pourquoi elle était si vexée par son attitude.
Certains conducteurs manœuvraient tant bien que mal pour faire demi-tour. Meredith hésitait. Malgré tout, ce goujat devait avoir raison. Il valait mieux ne pas prendre le risque d’aller se perdre dans les collines.
Elle décida d’explorer la ville à pied et se gara derrière la Peugeot bleue. Meredith ignorait si ses ancêtres étaient vraiment originaires de Rennes-les-Bains, ou si c’était par hasard que le soldat en uniforme de la guerre de 1914 avait été pris en photo ici plutôt qu’ailleurs. Mais c’était l’une des rares pistes dont elle disposait. Peut-être aurait-elle le fin mot de l’histoire d’ici la fin de la journée.
Elle se pencha par-dessus le siège pour prendre son sac tant l’idée de se faire voler son ordinateur portable lui était intolérable, puis vérifia que le coffre où se trouvaient ses affaires était bien fermé. Une fois la voiture verrouillée, elle parcourut la courte distance qui la séparait de l’entrée principale de la station thermale et climatique.
Un avis écrit à la main affiché sur la porte disait qu’elle était fermée pour l’hiver, du 1 er octobre au 30 avril 2008. Meredith le fixa avec stupeur. Escomptant que la station serait ouverte tout au long de l’année, elle ne s’était pas renseignée.
Mains dans les poches, elle resta là un moment. Aucune lumière ne brillait aux fenêtres, l’immeuble était apparemment complètement vide. Si retrouver la trace
Weitere Kostenlose Bücher