Sépulcre
Rennes-le-Château.
Il ne pleuvait pas, mais l’air chargé d’humidité adoucissait les couleurs et les contours des choses. Meredith continua son chemin en jetant des regards curieux dans des ruelles qui semblaient ne mener nulle part et se permit quelques coups d’œil furtifs par les fenêtres éclairées des maisons, puis elle revint vers la grand-rue. Juste devant se trouvait la mairie avec son drapeau tricolore. Elle prit à gauche et se retrouva sur la place des Deux-Rennes.
Meredith s’arrêta au coin un moment, pour mieux s’imprégner de l’atmosphère. Il y avait une charmante pizzeria sur sa droite, avec des tables en bois disposées dehors dont deux seulement étaient occupées par des Anglais. Elle entendait des bribes de leurs conversations. À la première table, ces messieurs discutaient de football et de Steve Reich, tandis que ces dames partageaient une bouteille de vin en parlant du dernier Ian Rankin.
À l’autre bout de la place, Meredith remarqua un clocher-mur qui surplombait les toits des immeubles. Sans doute celui de l’église.
En effet, après avoir traversé un parvis pavé, elle arriva devant l’église de Saint-Celse et Saint-Nazaire. Une unique lampe brillait sous son porche d’aspect modeste, ouvert au nord et au sud. Deux tables vides encadraient l’entrée, dont on ne voyait pas bien ce qu’elles faisaient là.
L’avis figurant sur le panneau de la paroisse indiquait que l’église était ouverte de 10 heures du matin jusqu’après les vêpres, sauf en cas de jours fériés, de mariages et d’enterrements. Mais quand elle voulut tourner la poignée, elle s’aperçut que la porte était verrouillée, malgré les lumières qui brillaient à l’intérieur.
Elle regarda l’heure à sa montre. 18 h 30. Peut-être l’église venait-elle juste de fermer.
Meredith se retourna. Sur le mur opposé, une plaque commémorative faisait la liste des hommes de Rennes-les-Bains qui avaient perdu la vie durant la Première Guerre mondiale.
À Ses Glorieux Morts.
La mort est-elle jamais glorieuse ? se demanda Meredith en songeant à son soldat couleur sépia. Puis à sa mère, entrant dans les eaux glacées du lac Michigan les poches remplies de cailloux. Y avait-il une cause qui mérite qu’on lui sacrifie des vies ?
Elle s’avança et parcourut la liste de noms de haut en bas, sachant qu’il était vain, et même idiot, d’espérer y trouver celui de Martin. D’après le peu de choses que Mary avait pu lui transmettre sur ses aïeux, Meredith savait que Martin était le nom de famille de la mère de Louisa, et non pas celui de son père. En fait, son certificat de naissance indiquait De père inconnu. Mais Meredith savait aussi que ses ancêtres avaient émigré de France en Amérique dans les années qui avaient suivi la Première Guerre mondiale, et d’après les recherches qu’elle avait effectuées, elle était presque sûre que le soldat sur la photo était le père de Louisa.
Il lui manquait juste un nom.
Quelque chose attira son regard. Celui de Bousquet était inscrit sur le mémorial. Comme le jeu de tarot rangé dans son sac de voyage. Peut-être s’agissait-il de la même famille ? Encore une chose à vérifier. Elle continua. Au bas de la plaque figurait un nom moins courant : SAINT-LOUP.
À côté se trouvait une plaque de pierre à la mémoire d’Henri Boudet, curé de la paroisse de 1872 à 1915, et une croix noire en métal. Meredith réfléchit. Si son soldat inconnu venait bien d’ici, Henri Boudet l’avait peut-être connu. C’était une petite ville après tout, et les dates correspondaient.
Elle nota tout dans son carnet. C’était la première et la dernière règle d’un chercheur : tout noter, tout enregistrer. Plus tard seulement, avec le recul, on parvient à distinguer ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas.
Sous la croix était inscrit le fameux précepte de l’empereur Constantin : In hoc signo vinces. « Par ce signe tu vaincras », murmura-t-elle. Meredith l’avait déjà souvent rencontré, mais cette fois, il fit surgir dans sa tête une idée qu’elle essaya en vain de retenir.
Elle traversa le perron en passant devant la porte principale qui donnait dans l’église et se retrouva dehors, dans le cimetière. Là se dressait un autre monument aux morts où figuraient à peu de chose près les mêmes noms, plus deux ou trois ajouts et quelques différences d’orthographe, comme si un seul
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