Serge Fiori : s'enlever du chemin
reconnaître dans la pièce, s’identifier à elle.
La relation impossible entre Serge et Nanette teinte en
entier cet album, qui a des parfums marqués d’amour,
de blues et de nostalgie, de tristesse et de quête vouée à
l’échec. De son côté, Nanette compose aussi quelques pièces. Tous les jours, elle se tape la route d’Ormstown à Notre-Dame-de-Grâce et arrive au studio de Serge avec ses
beignes et son café. Pour profiter de ces moments avec
Nanette, Fiori prend son temps, étire les sessions, prétexte
des ennuis techniques ; il n’en a jamais assez d’elle. Il passe
de longues minutes en silence à observer la chanteuse, à la
dérobée, toujours ébahi par sa grande beauté.
Avec Marie-Claire, c’est le statu quo. Les choses sont désormais limpides entre eux, l’amour a fait place à l’amitié ; mais en dépit de cela, Marie-Claire trouve la situation
difficile. « La première année, j’avais très peur de perdre
l’ami, de perdre Serge, de perdre les liens qui m’unissaient
à lui. Serge est tellement honnête, il ne m’a jamais caché
ses sentiments pour Nanette. J’avais l’heure juste et ça,
je l’appréciais. Et à la longue, j’ai bien vu que son amitié
était toujours présente. Il m’a appris moi-même à être une
amie. »
En mars 1987, Richard Bleau prend contact avec Serge
et lui annonce qu’il a trouvé une maison à vendre non loin
de chez lui, à Longueuil. Elle ressemble tellement à Fiori,
dit-il, que c’est tout juste si son nom n’est pas écrit dessus !
Il insiste pour que son ami vienne la voir. Serge et Marie-Claire visitent la maison, rue Saint-Laurent : c’est un coup
de cœur. Une magnifique maison de la fin du xviii e siècle,
avec un grand balcon, une immense cour et un imposant
foyer. Le deuxième étage qu’occupera Marie abrite trois
pièces et une salle de bains, tandis qu’au rez-de-chaussée,
un grand salon fera office de studio et de chambre pour
Serge Fiori, qui y dormira durant des années. Une grande
pièce ouverte, adjacente au salon, abrite la cuisine et la
salle à manger. Tout est en bois : les parquets et les murs, et
il y a de magnifiques poutres, ainsi que des boiseries partout. Le hall d’entrée donne sur un spectaculaire escalier
de bois qui mène à l’étage ; c’est la première chose que voit
tout visiteur en pénétrant dans la maison. En avril, Marie
et Serge signent l’acte d’achat et emménagent rapidement.
Fiori tombe en amour avec le Vieux-Longueuil ; Nanette et
lui achèveront l’écriture de l’album dans le nouveau studio
aménagé dans cette maison de rêve, rue Saint-Laurent.
Durant de longues semaines, Serge et Nanette travaillent
sur l’album sans rien entreprendre sur le plan affectif. Ils
savent très bien, tous les deux, que l’album n’est devenu
qu’un prétexte pour passer du temps ensemble. Ils demeurent parfois des après-midi entiers à ne rien faire, mais ils
sont en compagnie l’un de l’autre, et ça leur suffit amplement. Jamais ils ne se touchent ou n’évoquent leurs sentiments respectifs, ce qui ne les empêche pas de vivre des
heures enivrantes de proximité et d’intimité. Les séances
s’étirent jusqu’en soirée, après des soupers au restaurant
durant lesquels ils tentent, au sein d’un jeu complice, de
se soustraire aux regards de ceux qui pourraient les reconnaître. Leur résistance faiblit. Nanette tente bien de se raisonner, de se remémorer qu’elle est en couple et enceinte
de surcroît. Serge tente bien de se convaincre que même
s’ils ne sont désormais qu’amis, il ne peut faire ça à Marie.
Mais plus Nanette et Serge vont de l’avant, moins ils sont
capables de retenir leurs élans.
Le Vendredi saint, à quinze précises, ils finissent par
flancher. Serge se rend chez Nanette à Ormstown, en l’absence d’André. Leur passion explose en une grande histoire d’amour qu’ils vivront dans le plus grand secret. Nanette
est en couple et son infidélité lui fait ressentir une profonde
culpabilité ; du côté de Serge, la solitude de son amie Marie-Claire est suffisante pour qu’il se sente lui aussi coupable.
Les choses sont complexes, et en même temps, lorsque les
deux amants sont ensemble, ils vivent les heures les plus
exaltantes de leur vie. Ils fréquentent des restaurants, des
motels bas de gamme, et passent des heures ensemble
dans la voiture à se regarder dans les yeux
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