Serge Fiori : s'enlever du chemin

et à parler, à se
toucher, à se demander où tout cela peut les mener, à appréhender l’heure de la séparation, cette heure déchirante
et cruelle où chacun doit rentrer chez lui le cœur lourd,
dans l’attente fébrile du lendemain.
    Au terme de ces soirées qu’il ne veut pas voir s’achever,
Serge retourne auprès de Marie-Claire. Ils se louent des
films et lui, bien qu’il sache que Marie n’ignore rien de son
aventure avec Nanette, refoule tout cela. Souvent, en plein
milieu du film, il se lève et se rue sur la première cabine
téléphonique venue – la pudeur l’empêche d’appeler de
chez lui, en présence de Marie – et Fiori appelle sa douce,
qui lui répond trop fréquemment sur un ton formel   ; André
est dans la pièce d’à côté. Serge ne voit pas d’issue, il estime
que ce nouvel amour lui apportera autant de souffrance
que de joie. Puis, un jour, Marie-Claire lui annonce qu’elle
vient de faire la rencontre d’un homme   ; elle est exaltée,
amoureuse, fébrile. Elle pense que c’est l’homme de sa vie.
Cette révélation soulage indiciblement Serge et le décharge du poids immense qu’il portait sur ses épaules. Il aime
tellement Marie-Claire qu’il est heureux que leur relation
tourne ainsi   : ils vont pouvoir continuer à vivre ensemble
et à côtoyer leurs amoureux respectifs. Il reçoit donc cette nouvelle comme une bénédiction. Soulagé et libéré, il
s’empresse d’appeler Nanette   : «   I am free, babe   !   » Mais une
déception l’attend   : non seulement Nanette ne réagit pas
du tout avec l’enthousiasme qu’il espérait, mais son attitude traduit plutôt un fort malaise. C’est que pour elle, les
choses se précipitent   ; bien sûr, elle a l’intention de quitter
André, mais le moment n’est pas encore venu. Nanette suit
son intuition, qui lui dicte de patienter un peu. Le fait d’attendre un enfant n’est pas étranger à sa décision.
    En août 1987, Nanette accouche de Jesse, ce qui force le
duo à prendre une pause d’un mois. Nanette s’habitue à
devenir maman et à vivre le jour, mais dès septembre, les
sessions de musique reprennent. Nanette emmène avec
elle son bébé, ainsi que Rock Saumure, le responsable de
son fan-club, devenu son ami. Il est aussi son secrétaire   ; il
s’occupe de toutes les questions d’intendance pour elle et
garde le nourrisson au besoin. Serge s’attache rapidement
à Jesse et à Rock. Le travail avance bien, les deux artistes
sont maintenant prêts à enregistrer.
    Ils choisissent de le faire chez Nanette, à Ormstown. Ils
louent les consoles, les vingt-quatre pistes et tout le matériel qu’ils installent dans la grande chambre à coucher
convertie en studio. Serge choisit Rob Heaney comme ingénieur du son   : un ange, selon Fiori. Rob a travaillé avec
lui sur l’album Fiori et, mis à part Michel Lachance, c’est,
selon Serge, le meilleur ingénieur avec lequel il ait travaillé. Tous les jours, Heaney vient rejoindre Serge chez lui,
à Longueuil, et ils partent ensemble dans la vieille Honda
blanche du musicien   ; ils mettent cinq dollars d’essence
et filent vers Ormstown pour aller enregistrer. Georges,
qui adore Nanette, se déplace très peu pour suivre son fils
dans cette nouvelle aventure   ; il n’est pas trop adepte des
animaux ni de la campagne   ; il ne comprend pas que Serge
puisse s’épanouir dans des champs, entouré de chats, de
chiens, et d’autres animaux que Nanette abrite.
    Lorsque vient le temps de signer avec une compagnie
de disques, Serge approche Vito Luprano, de chez CBS Records, et signe un contrat en janvier 1989. Vito Luprano
demande à Serge Grimaux, maintenant devenu avocat, de
s’occuper de la partie administrative du contrat   ; puisque
Nanette n’a personne pour la représenter, il veut s’assurer
que tout se passera selon les attentes de la compagnie de
disques. Alors que Grimaux s’occupe de Nanette, il discute aussi avec Fiori, et finit par découvrir qu’il manque
des rapports sur ses droits d’édition musicale et ses droits
d’auteurs. De tous les gens d’affaires avec qui Fiori a eu à
travailler, Grimaux est certainement le plus droit, le plus
intègre et le plus soucieux des intérêts personnels du musicien. Il commence par s’occuper de rassembler tous les
montants auxquels Serge a droit de la part des Productions
Juste pour rire, grâce à la chanson thème, puis fait le tour
des