Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
bilan de la journée fut de six morts et cinquante blessés, pour l’essentiel des musulmans.
Ces attentats, survenus après une période d’accalmie, nous incitèrent à renforcer l’action répressive, en commençant par le PCA. Nous savions, par expérience, qu’il comportait des spécialistes de l’action violente et notamment des chimistes préposés à la fabrication de bombes et des fournisseurs d’armement tels que l’aspirant Maillot.
J’avais été très marqué par la lecture de Sans patrie ni frontières , un livre de Jan Valtin, lequel, originaire d’Europe de l’Est, avait été associé de près aux partis communistes. Cette lecture avait renforcé ma conviction selon laquelle dans le phénomène communiste les structures avaient au moins autant d’importance que l’idéologie qu’elles servaient. Ce que je connaissais de l’organisation des partis communistes en général et du PCA en particulier me montrait que les différents services étaient séparés par des cloisons verticales et étanches. De sorte que si le responsable d’un service pouvait, à un haut niveau, côtoyer le responsable d’un autre service, il n’en allait pas forcément de même pour les militants.
Nos recherches se fondaient sur tes travaux d’exploitation de renseignements qui avaient été effectués dès le début de la bataille d’Alger, notamment le recensement de la population.
De semblables opérations pouvaient être menées par des unités non parachutistes. C’est ainsi que, le 10 juin 1957, un adjudant de CRS qui utilisait des fiches établies d’après les travaux de Roger Trinquier, intercepta, à l’entrée d’Alger, dans le cadre d’un travail de routine, une grosse voiture conduite par un médecin, le docteur Georges Hadjadj. Ce médecin était fiché comme étant susceptible d’exercer un rôle important dans la hiérarchie du PCA.
L’adjudant conduisit le médecin jusqu’à l’OR le plus proche. Le docteur Hadjadj ne fit aucune difficulté pour avouer qu’il était un responsable important, mais il assura qu’il n’avait rien à voir avec les attentats. Il n’était chargé que du service de propagande de son parti.
Il reconnut cependant l’existence d’un Service Action et confirma que le chef en était bien André Moine, ainsi que je m’en doutais depuis janvier. Il avait d’ailleurs eu l’occasion de le croiser lors de réunions, mais il se déclarait incapable de le localiser, comme se déclarait tout aussi incapable de livrer aucun élément plus précis sur ce Service Action.
Georges Hadjadj avoua enfin que, dans le cadre de son travail de propagande, il avait en charge le journal La Voix du soldat sur lequel il donna tous les détails que nous pouvions souhaiter Cette révélation ne faisait pas avancer l’enquête sur les poseurs de bombes mais elle me permettait d’atteindre un des objectifs que Massu m’avait assignés.
Le nom de Maurice Audin apparaissait dans les papiers du médecin. Ce nom était par ailleurs sur nos listes.
Hadjadj révéla spontanément que ce jeune professeur de mathématiques, cadre du PCA, mettait sa demeure à la disposition du parti pour y loger des agents. De sorte qu’il pouvait parfaitement héberger un militant du Service Action.
Hadjadj donna l’adresse d’Audin, qui habitait dans le secteur relevant de Charbonnier, ce qui permit aux hommes du 1 er RCP d’aller l’appréhender. J’ai naturellement été prévenu de cette arrestation et, aussitôt, je suis passé à l’appartement où Audin se trouvait encore, dans l’espoir de découvrir l’adresse d’André Moine.
Plus tard, alors qu’il arrivait dans l’appartement d’Audin, Henri Alleg 82 tomba dans la souricière tendue et fut arrêté à son tour. Pour moi, ni Audin ni Alleg, quoique fichés, n’avaient une grande importance en tant que tels.
Je suis repassé chez Audin après la capture d’Alleg. J’ai demandé à Charbonnier d’interroger ces deux hommes pour savoir s’ils appartenaient au Service Action du PCA et d’exploiter les papiers et les carnets d’adresses qui se trouvaient chez eux pour voir si le nom d’André Moine n’y figurait pas. Comme on sait, Audin disparut le 21 juin. Cette disparition fit scandale et donna lieu à une enquête très poussée. Quant à Alleg, il raconta son interrogatoire dans son livre, La Question. J’ai croisé Alleg au moment de son arrestation. Il ne le mentionne d’ailleurs pas dans cet ouvrage
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