Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
prisonnier. Il s’était arrangé pour s’absenter.
Je suis arrivé avec des Jeep et un Dodge. J’avais une douzaine d’hommes de ma première équipe, armés jusqu’aux dents.
C’était le capitaine Allaire qui était de service. Il avait fait aligner un petit groupe de combat. Je lui ai demandé d’aller chercher Ben M’Hidi et de me le remettre.
— Présentez, armes ! a commandé Allaire au moment où Ben M’Hidi, qu’on venait de réveiller, est sorti du bâtiment.
Alors, à ma grande surprise, le groupe de parachutistes du 3 e RPC a rendu les derniers honneurs au chef vaincu du FLN. C’était l’hommage de Bigeard à celui qui était devenu son ami. Ce geste spectaculaire et quelque peu démagogique ne me facilitait pas la tâche. Je l’ai même trouvé très déplacé. C’est bien entendu à ce moment-là que Ben M’Hidi a compris ce qui l’attendait.
Je l’ai fait monter précipitamment dans le Dodge.
Nous avons roulé à toute allure. Une embuscade destinée à libérer Ben M’Hidi était toujours possible. J’avais donné des consignes très strictes au sous-officier qui était préposé à la garde du leader FLN et se trouvait dans la même voiture que lui :
— Si nous sommes attaqués, tu l’abats immédiatement. Même si nous nous en sortons, tu tires sur lui sans hésiter !
Nous nous sommes arrêtés dans une ferme isolée qu’occupait le commando de mon régiment. C’était à une vingtaine de kilomètres au sud d’Alger, à gauche près de la route. La ferme avait été mise à notre disposition par un pied-noir. Le bâtiment d’habitation était modeste et ne comprenait qu’un rez-de-chaussée. Ma seconde équipe m’attendait là-bas.
Le commando du 1 er RCP comprenait une vingtaine d’hommes. Certains étaient des appelés. Mais des hommes de confiance. Le capitaine Allard, dit Tatave, en était le responsable. Il m’était très dévoué et je lui avais expliqué ce qui allait se passer. De ce fait, l’officier présent était briefé. Je lui ai dit qu’il fallait que ses hommes aménagent un coin pour installer Ben M’Hidi. La ferme ne s’y prêtait pas. Il fallait donner un coup de balai, déplacer des bottes de paille.
Pendant ce temps, nous avons isolé le prisonnier dans une pièce déjà prête. Un de mes hommes se tenait en faction à l’entrée.
Une fois dans la pièce, avec l’aide de mes gradés, nous avons empoigné Ben M’Hidi et nous l’avons pendu, d’une manière qui puisse laisser penser à un suicide. Quand j’ai été certain de sa mort, je l’ai tout de suite fait décrocher et transporter à l’hôpital.
Conformément à mes ordres, le sous-officier chargé dr le transporter avait laissé tourner le moteur de la voiture qu’il avait garée de façon à pouvoir démarrer en trombe et sans donner d’explications dès que le médecin de service aux urgences arriverait.
Il était à peu près minuit.
J’ai appelé aussitôt Massu au téléphone :
— Mon général, Ben M’Hidi vient de se suicider. Son corps est à l’hôpital. Je vous apporterai mon rapport demain matin.
Massu a poussé un grognement et a raccroché. Il savait bien que mon rapport était prêt depuis le début de l’après-midi, histoire de gagner un peu de temps.
Ce rapport, le juge Bérard avait été le premier à le lire. Il décrivait dans les moindres détails le suicide qui se produirait la nuit suivante.
Bérard était impressionné :
— – Mais c’est très bon, ça ! Mais vous savez que ça tient l’eau !
En fait, le rapport ne tint pas l’eau très longtemps. Quelques jours plus tard, Massu me fit venir à son bureau.
— Aussaresses, je suis dans la merde. Je dois me présenter devant Reliquet, le procureur général.
— Quoi ! Il a osé vous convoquer !
— Oui, pour parler du suicide de Ben M’Hidi.
— C’est une inqualifiable grossièreté. Du fait de votre position, vous ne pouvez pas déférer à cette convocation. C’est moi qui irai, puisque je vous représente auprès des autorités judiciaires.
Je me suis donc rendu chez le magistrat.
— Monsieur le procureur général, je représente le général Massu. Du fait de mes fonctions, je suis très au courant des circonstances du décès de Ben M’Hidi.
J’ai d’ailleurs rédigé moi-même le rapport dont vous avez dû prendre connaissance.
Le magistrat écumait de rage.
— Oui, c’est ça ! Parlons-en de votre rapport ! Ce que
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