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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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sur cette jambe gauche, bouclé, attaché, ancré par toute une série de loquets, de fermetures Éclair, de boutons-pression, de cordons en Nylon.
    Cheval de bât pour l’esprit. C’est la jambe gauche qui fait tout.
    Elle s’est suffisamment fait gronder, dresser. La jambe gauche s’étire avec une superbe énergie, le muscle tout en longueur. Elle avance d’un pas lourd. C’est la jambe la plus forte, le pivot. La jambe droite suit à son tour, mais ce n’est qu’un simple compagnon. La jambe droite se déplie, part en avant, le pied droit touche le sol pendant un petit instant, juste assez vite pour aller à la même allure que la jambe gauche, puis elle s’affaiblit et laisse au sol un motif d’une grande tristesse.
    Les bras suivent le mouvement, prennent le rythme.
    Les yeux couvrent toute l’étendue de la rizière. Ne marche pas là-dessus, trop mou. Pas là, dangereux, mines. Pose le pied là, là et là, pas là, pose le pied là, là et là, attention, attention, fais gaffe. Vert, droit devant. Feux verts, vas-y. Les yeux tournent dans leurs orbites. Protège les jambes, prends pas de risque, fais gaffe aux putains de snipers, fais gaffe aux embuscades et aux pièges à tigre. Les yeux vont de gauche à droite, à la recherche de mines et de morceaux de tissu isolés, de bombes, de fils, de trucs. Ne cligne jamais des yeux, mets du papier adhésif pour pas qu’ils se ferment.
    L’estomac brûle à feu doux, à tout petit feu. Le feu bien profond, à l’intérieur, tout en bas du puits, juste au-dessus des couilles.
    — Faites gaffe où vous vous asseyez, maintenant, fait le chef de groupe.
    On s’arrête pour se mettre un peu à l’ombre.
    — Mangez vite fait, on s’arrête cinq minutes, c’est tout.
    — Cinq minutes ? Seigneur, il fait trente-deux degrés ! Où qu’ils sont, les fouets et les chaînes ?
    Bates choisit un coin où se poser.
    — Eh, soupire le chef de section, commence pas à faire le malin. J’ai des ordres et tu le sais. Plus vite on sera arrivés à notre poste pour la nuit, plus vite on sera ravitaillés, plus vite on pourra roupiller, et plus vite cette journée sera terminée. Plus vite pour tout.
    Le chef de section se lave la figure et s’essuie la nuque avec un torchon.
    Barney s’assied :
    — Pourquoi qu’on s’arrête maintenant ?
    — C’est bien, fait le chef de groupe. Il y en a au moins un qui comprend que c’est mieux de continuer à avancer.
    Bates se marre, un vrai aristocrate :
    — Je sais pas trop pour Buddy Barney, mais en fait, j’ai rêvé, pendant qu’on marchait. J’étais en plein rêve. La fille de ce grand homme politique et moi. Je l’avais déshabillée sur une plage des Bahamas. Bon Dieu !
    Il fait un geste vague, essaie de nous faire voir et se met à balayer de la main la brume de chaleur.
    — Je l’avais déshabillée, vous voyez un peu ? Elle avait juste les pieds dans l’eau, des vagues lascives lui passaient entre les orteils et elle était allongée sur cette serviette de plage. Le seul truc qu’elle portait, c’était des lunettes de soleil.
    — Sérieux, tu penses vraiment à des filles de politiciens, par ici ? demande Barney.
    — Adorable, lui répond Bates. Il ferme les yeux.
    On bouffe nos rations C de midi, et puis on continue notre route sur ce chemin jusqu’à la fin de la journée.
    Là, on creuse des trous et on y installe nos ponchos pour la nuit.
    — Regarde-moi ça, fait Barney. C’est des jumelles de vision nocturne. Mark le Cinglé me les a refourguées. Ça doit faire plus de dix kilos, pèse-moi un peu ça, bordel.
    Ça pèse en effet plus de dix kilos, avec la caisse noire accrochée à la poignée argentée.
    — On va l’essayer ce soir. Avec ses dix kilos, ce putain de truc a plutôt intérêt de marcher !
    — T’as l’air d’un homme d’affaires new-yorkais qui se rend au boulot, marmonne Bates. On dirait un attaché-case ou un truc dans le genre.
    Chip vient s’asseoir avec nous :
    — C’est quoi, ça ?
    — Des jumelles de vision nocturne.
    — Des jumelles pour regarder les étoiles, non ? Bonne idée.
    Chip porte un chapeau en toile à la place de son casque ; il affirme qu’avec son casque sur le caillou il n’est pas photogénique.
    — Ça marche comment ?
    — Un putain de kaléidoscope ou un truc dans le genre, commente Barney. Qu’est-ce que j’en sais, moi ?
    — C’est censé te faire voir dans le noir. Ils nous en

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