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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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parlaient, à l’époque, au camp d’entraînement. Mais jusqu’à ce jour, j’en avais plus jamais entendu parler.
    Bates se met à genoux, ouvre la caisse, sort les lourdes jumelles de vision nocturne de la boîte noire. Chip se met à chanter.
    —  Au clair de la lune, mon ami Pierrot.
    — Mate un peu la taille de cette grosse dondon. Et le cadran, là, il sert à quoi ? Faut avoir un diplôme de droit et deux doctorats pour capter comment utiliser ce machin.
    Bates tripote le cadran. Il enlève le cache de protection en caoutchouc de l’objectif et se fout les jumelles de vision nocturne sur les yeux.
    —  Prête-moi ta plume, pour écrire un mot. Ma chandelle est morte, je n’ai plus de feu.
    — Merde, fait Bates.
    Barney met la main devant l’objectif :
    — Alors, tu vois quoi ?
    Bates éclate de rire. Il parcourt le ciel des yeux.
    — Bordel, qu’est-ce que tu vois, là-haut, Bates ?
    — Ouah ! Un vrai peep-show, mon pote !
    — C’est beau de rêver, c’est beau.
    — Allez, chacun son tour, du Chip.
    Bates les lui passe et Chip se met à jouer avec les jumelles. Il fait :
    — Des âmes sœurs en train de danser.
    Il se marre et regarde fixement dans la bécane tout en enchaînant :
    —  Ouvre-moi ta porte, pour l’amour de Dieu.
    Barney les essaie à son tour :
    — Bon Dieu, mais on y voit que dalle.
    — Bien sûr que non, il fait pas encore nuit. Pas d’étoiles. Faut des étoiles, pour des jumelles de vision nocturne.
    On attend la nuit avant de les réessayer. À force de trifouiller le cadran, Bates réussit à faire marcher les jumelles.
    L’intérieur de la machine, c’est un grand mystère, mais le principe a l’air plutôt simple : utiliser les lumières orphelines de la nuit – étoiles, clair de lune, reflets, feux lointains – pour transformer la nuit en jour. À l’intérieur, il y a une grosse pile bien lourde qui fout la pêche aux jumelles de vision nocturne, qui révèle les différentes formes, comme par miracle, et qui nous permet de voir.
    — Le pays des contes de fées, murmure Chip. Je vois en pleine nuit.
    — Des Niakoués ?
    — Je vois un cirque, chuchote Chip. Comme les couleurs dans un avion à réaction, la nuit, dans le cockpit, là où le tableau de bord fait une sorte de miroitement vert. Là, tous les rochers et les arbres sont verts, la nuit. Ça, je le savais pas.
    — T’es pas censé voir, la nuit, réplique Bates. Les arbres, on peut les voir. Les paillotes, là-bas, on fait pas plus tranquille, pas un mouvement. Bon Dieu, tout est mort, quand on regarde là-dedans.
    On était assis sur le tas de terre à côté d’un trou qu’on avait creusé tout en continuant à manipuler nos jumelles de vision nocturne.
    — Sérieux, chuchote Bates, la nuit, on est censé y voir que dalle. C’est pas naturel. Je fais pas confiance à ce truc-là, moi.
    Il me les passe.
    — Au clair de la lune, mon ami Pierrot. Prête-moi ta plume, pour écrire un mot. Ma chandelle est morte, je n’ai plus de feu. Ouvre-moi ta porte, pour l’amour de Dieu.
    Là, Chip s’endort.
    Je regarde la nuit verte qui danse devant moi.
    — Prête-moi ta plume pour signer la déclaration de paix, fait Bates.
    — T’as raison.
    — Qu’est-ce que tu vois ?
    — Un feu tout vert. La campagne est en feu, la nuit.
    — Il y a un truc qui bouge ?
    — Nan, je réponds.
    Je pointe les jumelles sur un fourré qui se trouve un peu à l’écart de notre périmètre. Les buissons scintillent d’une couleur étrange, lumineuse. Je les pointe sur les étoiles.
    — Je vois les nuages, je continue. Ils bougent, on les voit bouger, aussi bien qu’en plein jour.
    — Eh ben, bon Dieu, t’es pas censé mater les putains d’étoiles, avec ce truc, m’interrompt Bates. T’es censé regarder si tu vois pas des Niakoués.
    Mark le Cinglé vient nous rejoindre.
    — Eh, fermez un peu vos gueules, tous les deux.
    Et il repart aussitôt.
    — Allez, c’est moi qui fais le premier tour de garde, dit Bates.
    Je lui refourgue les jumelles de vision nocturne, mais il les fout de côté. Il se met à bercer son fusil et à scruter l’obscurité, avant de nous envoyer :
    — Bonne nuit.

V

SOUS LA MONTAGNE
    Pour comprendre ce que vivent les soldats qui se baladent dans les champs de mines de My Lai, il faut d’abord comprendre ce qui se passe en Amérique. Il faut comprendre Fort Lewis, dans l’État de Washington. Il faut comprendre un truc

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