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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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feraient l’affaire. Il me manquait deux cents dollars, mais je pouvais toujours trouver un boulot à Vancouver et gagner cette somme en deux semaines. Ou alors, si je ne voulais pas perdre de temps, je pouvais toujours taper les potes de fac ou les vieux copains. J’ai envoyé une lettre à une copine, je me plaignais un peu et faisais allusion à ce qui se passait. Je lui ai demandé de prendre l’avion pour venir me voir pendant ma perme de Thanksgiving.
    Il faisait nuit quand je suis sorti de la bibliothèque. C’était marrant de penser que j’avais passé mon premier jour de liberté depuis la mi-août dans un bâtiment rempli de bouquins et de vieilles dames. Un truc tout à fait remarquable. Les sergents instructeurs et les chefs de la compagnie seraient pliés en deux rien que d’y penser, et moi aussi, je dois dire que ça me faisait gentiment marrer, parce que tous ces gentils petits bouts de papier et toutes ces vieilles bibliothécaires tellement aimables allaient m’aider à me sortir de là.
     
    *
     
    En hiver, Fort Lewis, c’est couvert de boue et ça glisse. Tout est mouillé, ça caille, ce qui veut dire que sur les stands de tir tes gants gèlent sur place. Quand tu dors à la belle étoile, ton sac de couchage devient tout raide. Pas marrant de fumer – trop dur de sortir son paquet, et aussi parce que t’arrives plus à te réchauffer les mains une fois que t’as bazardé ton mégot dans la neige fondue. Autant rester debout à remuer les doigts. Après avoir passé je ne sais combien de jours à essayer d’abattre des cibles avec les fusils noirs, tu reprends la route des dortoirs dans des camions à bestiaux sans bâche, tu te serres bien contre les autres, comme les animaux censés être là, à notre place, et tu ne dis pas un mot, tu te contentes de regarder les arbres, de grands sapins plantés majestueusement dans la neige.
    Mais il y a tant de choses à écrire, et les détails s’entassent tellement les uns sur les autres que, lorsque le soir arrive, il ne te reste plus en tête qu’une énorme photo toute grise.
    Juste avant Thanksgiving, j’ai reçu mon passeport ainsi que les certificats de vaccination que mes parents m’avaient envoyés, et le même jour j’ai pris rendez-vous avec le commandant du bataillon.
    J’ai dû passer par le sergent-chef, qui n’avait pas l’air content du tout, mais qui a bien été obligé d’accepter, parce qu’il y avait une règle qui stipulait qu’il n’avait pas le choix. Mais il m’a donné l’ordre de voir d’abord l’aumônier :
    — C’est l’aumônier qui se charge de séparer les tapettes des mecs qu’ont des vrais problèmes. On dirait bien que l’année dernière, on a foutu trop de fumier sur la récolte. Ça a tout transformé en tapettes, et le pauvre aumônier, du coup, là-bas, dans sa petite église, il sait plus où donner de la tête, à essayer d’éliminer toutes ces tapettes. Ah, le Seigneur devrait avoir pitié de l’aumônier, il pourrait arrêter de nous fabriquer tous ces paquets de tapettes, là-haut !
    L’aumônier s’appelait Edwards. C’était un rouquin qui avait les cheveux très épais, une franche poignée de main, une bouche à la fois disciplinée et amicale, et un gentil petit bide. Edwards, c’était un mec fait pour apaiser les bleus, du fait sur mesure.
    — Quel est le problème ? La cantine distribue pas assez de benzédrine ?
    Edwards essayait de m’attendrir, essayait de passer pour un mec sympa, essayait de transformer le vrai problème en un truc pas bien grave, essayait de se débarrasser de tous les problèmes en jouant le rôle de l’officier cool, super-religieux et rouquin. Ça t’arrive souvent qu’un officier déconne avec toi, d’homme à homme ?
    Avec un grand sourire, je lui ai répondu :
    — Négatif, chef, mon vrai problème, c’est un problème de conscience, de philosophie, d’intellect, d’émotion, de peur, de douleur physique, d’un désir de vivre tempéré par un désir de ne pas faire le mal, et aussi, malgré tout, le désir de prouver que je suis un héros.
    Je lui ai parlé de tout ce qui me troublait de manière aussi générale que possible. Edwards écoutait et hochait la tête. Il prenait des notes, souriait quand je souriais, et comme il ne semblait pas vouloir me rembarrer, je suis passé à la vitesse supérieure et je lui ai présenté mon cas. Dans ces termes :
    Mon père, je crois que la vie humaine a une grande

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