Si je meurs au combat
qu’il pourrait bien en faire.
— Ils étaient là, derrière les dortoirs, à sucer de la bite. Bordel de merde, qu’est-ce qu’on fait des pédales, dans l’armée ? On les encule, pas vrai ? Hein ? Les pédales d’étudiants, c’est presque pas assez bien pour une bonne partie de baise.
Erik rétorque qu’on ne faisait rien de mal, qu’on était juste là pour cirer nos chaussures et nettoyer nos fusils, et Blyton attrape un fusil, arrête de sourire et nous fait chanter à tue-tête, tout en pointant le doigt sur le fusil et sur nous : « C’est un fusil et c’est un flingue, c’est fait pour tirer et faire la bringue. » Après quoi il nous demande de venir au rapport, le soir.
— Vous deux, les petites pédales, vous allez vous éclater comme des malades. Vous allez avoir droit à monter la garde ensemble, tout seuls, dans le noir, personne pour vous emmerder. Vous allez pouvoir vous balader tout autour de la compagnie, tous les deux, main dans la main, et vous pourrez parler de politique et de baise pendant toute la nuit, bordel de bordel. Merde alors, si seulement j’avais un appareil photo !
On va au rapport, chez Blyton, à vingt et une heures sonnantes, et il nous passe une lampe torche et des casques de garde noirs. Là, il nous dit de faire en sorte de nous faire tout petits, bordel de merde, parce que les pédales, ça le rend malade, et puis il nous dit qu’on a intérêt à ce qu’il n’y ait plus une seule lumière allumée dans les dortoirs après vingt-trois heures et de venir lui faire un rapport toutes les heures.
Quand on sort de son bureau, Erik dit que le bâtard n’a pas eu les tripes de nous donner l’ordre de marcher main dans la main.
On prend plaisir à faire ce tour de garde. La nuit est agréable, sèche, paisible. Au moins, on n’a pas à se farcir les engueulades nocturnes et le bruit du dortoir, on peut parler librement et apprécier ce petit moment de solitude.
Pendant ces deux heures de ronde, on chope un bleu la main dans le sac en train de passer un coup de fil illégal. On débat la question de savoir s’il est juste ou non de balancer ce pauvre gars à Blyton. On commence à fatiguer et on sait que sa punition nous permettrait de retourner nous coucher et de passer une bonne nuit de sommeil. On finit par donner le nom du gars à Blyton.
Vingt minutes plus tard, le bleu ressort, demande la lampe torche et nous dit d’aller nous coucher.
Les classes étaient presque terminées et ils nous ont enfin convoqués à l’administration. Ils nous ont lu le chiffre qui nous avait été attribué, nos nouveaux noms. Il y en a qui allaient à l’école des transports – Erik. D’autres qui se retapaient les classes – Kline. Certains allaient devenir mécanos. D’autres allaient bosser dans les bureaux. Et puis il y en a qui devaient suivre l’entraînement avancé de l’infanterie pour devenir troufions de base – Harry, le chef de section, moi. Ensuite, on s’est rendus à la cérémonie de remise des diplômes, après quoi on est rentrés, toujours à pied et en chantant :
J’veux aller au Viêtnam,
Pour voir des Niakoués morts.
Est-ce que j’ai raison, est-ce que j’ai tort ?
Est-ce que j’y vais fort ?
Des bus – gris-vert, avec des numéros blancs peints sur la carlingue et conduits par des troufions a l’air complètement blasé – viennent nous chercher. Erik et moi, on se met près d’une fenêtre, au dortoir, et on regarde Blyton en train de parler avec les parents des nouveaux soldats.
Il a le sourire aux lèvres.
— On va se le faire, ce bâtard, dit Erik. On pourrait le descendre d’un coup de M-14, sans problème. Il nous a bien appris à nous servir d’un flingue.
Erik explose de rire et dresse le poing devant la vitre.
— Mais le buter, ce serait trop facile. J’ai pas grand-chose à ajouter. J’avais bien l’ignoble pressentiment qu’ils allaient te baiser, qu’ils allaient t’envoyer au casse-pipe. Tu pourrais peut-être te péter une jambe pendant l’entraînement avancé ? ou leur faire croire que t’es dingue ?
Au début des classes, Erik avait décidé de s’engager pour trois ans, ce qui lui collait une année de plus dans l’armée, mais lui permettait d’esquiver les corvées de l’infanterie. Moi, j’avais joué à pile ou face, je pensais qu’ils verraient en moi autre chose qu’une simple paire de jambes, persuadé que l’un d’entre eux comprendrait la
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