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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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Alpha connaissait bien Pinkville et les villages qui s’appelaient My Lai. Même avant les grands titres dans les journaux et avant que Calley et Medina inscrivent leurs noms dans les livres d’histoire, Pinkville était un endroit qu’on redoutait, un endroit bien particulier de la planète. En janvier, à peu près un mois avant mon arrivée au Viêtnam, moins d’un mois après le massacre de My Lai 4, la compagnie Alpha a participé à l’opération massive de la plage de Russell, combinée aux autres secteurs de l’armée, des bateaux remplis de fantassins, la marine et l’aviation. Le sujet de cette campagne minutieusement planifiée et très médiatisée, c’était Pinkville et la péninsule de Batangan. Ces deux endroits, pour les Charlies, représentaient l’équivalent du Centre de repos américain : des indigènes amicaux, du riz bien cuisiné, et un sanctuaire bien à l’abri des fantassins américains. Malgré la publicité et la stratégie de l’École militaire, l’opération n’a pas réussi à produire les résultats escomptés, et cette unité a ainsi dû accepter la dure réalité concernant Pinkville. Il n’existe aucun critère auquel puisse se fier un soldat pour faire la différence entre une jolie petite Vietnamienne et une ennemie mortelle ; c’est bien souvent la même et unique personne. Durant l’opération de la plage de Russell, l’unité a fait sauter une mine après l’autre. Après chaque explosion, après chaque trahison, la frustration et la colère ne faisaient qu’augmenter, un visage oriental commençant à ressembler à tous les autres, hostile, noir, et quand elle est enfin sortie de Pinkville, la compagnie Alpha s’était transformée en un groupe de mecs bouillant de rage et de haine.
    Au mois de mai, on nous a donné l’ordre de revenir. On nous a fait monter dans des hélicos dans les villages de My Khe, à quelques kilomètres au sud de My Lai, et là, on est immédiatement tombé sur eux. Les Viêt-congs étaient là, ils nous attendaient, en embuscade de l’autre côté de la rizière. Les habitants de My Khe 3 ne nous ont rien dit, ils nous ont tranquillement laissés partir dans leur direction.
    Ce jour là, tout était tranquille, il faisait chaud, je pensais à un bon Coca et à me reposer. Tout à coup, des trucs ont jailli des buissons. Je portais la radio pour le chef de la compagnie. Je me rappelle que je n’étais plus à côté de lui et que je me disais qu’il fallait me dépêcher de le retrouver.
    Une grenade est sortie des buissons, elle a rebondi sur mon casque, une boîte à sardine rouge remplie d’explosifs. Je me revois y jeter un coup d’œil, comme ça, pendant qu’elle s’éteignait juste à côté de moi. Je me revois me jeter sur la gauche et m’attendre au plus gros bruit que j’eusse jamais entendu. Ça a juste fait un petit « pam », mais je me souviens m’être dit que c’était sûrement l’impression que ça produisait sur un mec mort. Rien ne me faisait vraiment mal. Clauson, un gros balaise, s’est pris la grenade de plein fouet. J’étais allongé là et je l’ai regardé faire quelques pas en hurlant ; puis il s’est mis sur le dos et s’est remis à hurler. Le chef du bataillon était en pleine conversation radio, il demandait où était mon capitaine, il voulait lui parler, voulait que je fasse de la fumée pour signaler notre position, que j’appelle les autres sections. Ils nous tiraient dessus depuis les buissons. Clauson était parti, je ne sais ni où ni comment, et quand j’ai levé la tête pour le chercher, il n’y avait plus personne. Il n’y avait que du bruit et ça n’en finissait pas. C’était terminé, je le savais, quand Mark le Cinglé est sorti des buissons en portant sur l’épaule un grand mec tout maigre qui s’appelait Arnold. Il a fait pivoter Arnold dans un hélicoptère et on est reparti au nord, en direction des bleds de My Lai.
    Sur la route, on a croisé les habitants de Pinkville ; ils ne participaient pas à la guerre. Des enfants de moins de dix ans, des femmes, des vieux qui plantaient leur regard par terre, droit devant eux, et qui ne disaient pas un mot. Le capitaine Johansen leur demandait de manière relativement gentille :
    — Où sont les Viêt-congs ? Où sont tous les hommes ? Où est Poppa-san ?
    Rien, pas la moindre réponse, pas de la part des villageois, en tout cas.
    Rien, jusqu’à ce qu’on esquive les balles de Poppa ou

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