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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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pas que c’était une femme, elle ressemblait à n’importe quel autre Niakoué. Bon Dieu, ça doit faire mal. Enlevez les mouches qui lui tournent autour, qu’elle soit au moins un peu tranquille.
    Elle a étiré les bras au-dessus de sa tête. Elle a écarté les doigts, puis elle a enfoncé les mains dans la terre qu’elle pressait en une sorte de rythme. Elle avait le front ridé d’une douzaine de longs plis rouges. Ses yeux étaient fermés.
    Le type qui l’avait flinguée fixait son visage. Il a demandé si on ne pouvait pas lui faire de l’ombre.
    — Elle va mourir, a dit l’un des gars.
    — Mais est-ce qu’on ne peut pas lui faire un peu d’ombre ?
    Il a chassé un nuage de mouches qui lui tournait au-dessus de la tête.
    — On peut pas la porter, elle nous laissera pas faire. Elle fait partie de l’armée du Nord-Viêtnam, uniforme vert et tout. Bordel. C’est sûrement une infirmière de l’armée du Nord-Viêtnam, elle sait sûrement qu’elle va crever. Mate-la un peu serrer les mains en se berçant là. Elle essaie juste d’accélérer le processus et de faire sortir tout le sang qu’elle a en elle.
    On a appelé un hélico poussiéreux et la compagnie s’est éparpillée sur un grand périmètre, tout autour de la femme qui s’était fait flinguer. Les minutes passaient avec une lenteur insupportable, d’une part parce qu’elle allait mourir, hélico ou pas, et d’autre part parce qu’elle était avec l’ennemi.
    Elle avait les cheveux d’un noir brillant. Le gars qui l’avait flinguée lui caressait les cheveux. Deux autres soldats et un toubib étaient debout à côté d’elle, ils lui faisaient de l’air et chassaient les mouches. Son uniforme était maintenant couvert de croûtes pratiquement noires, à cause du sang, et la blessure n’avait pas encore coagulé. Le type qui l’avait flinguée lui collait sa gourde aux lèvres et elle a bu un peu de Kool-Aid.
    Alors elle a tourné la tête de gauche à droite. Elle a remonté les jambes contre sa poitrine, comme pour se bercer : tout son corps se balançait. Le type qui l’avait flinguée lui a versé un filet de flotte sur le front.
    Elle a très vite cessé de se balancer. Elle était couchée, ne bougeait pas, et avait l’air soit morte, soit inconsciente. Le toubib lui a pris le pouls, puis il a haussé les épaules et a dit que son cœur battait encore, mais à peine. Elle poussait des petits gémissements, de temps en temps, parlait presque dans son évanouissement, mais sans crier, sans être hystérique. Le toubib a dit qu’elle ne sentait plus la douleur.
    — Bordel, qu’est-ce qu’elle est mignonne ! C’est un crime. On aurait quand même pu flinguer un vieux, à la place.
    Quand l’hélicoptère est arrivé, elle ne bougeait plus. Des soldats l’ont mise sur un poncho et l’ont portée dans l’hélico. Elle était allongée, repliée sur elle-même, sur le plancher, et puis l’oiseau s’est mis à faire son raffut habituel avant de s’envoler. Le pilote n’a pas tardé à nous envoyer un message radio pour nous demander ce qu’on fabriquait et pourquoi on lui faisait risquer sa peau pour une nana qui n’était même plus en vie.

XIII

MY LAI AU MOIS DE MAI
    Les villages de My Lai sont éparpillés, telles des graines sauvages, à l’intérieur et tout autour de Pinkville, une étendue plate d’argile rouge et sableuse, le long de la côte située au nord du Sud-Viêtnam. Pinkville, la « ville rose », c’est un nom un peu simplet, campagnard, et vraiment inapproprié pour une partie du monde aussi défoncée que ça. Pas point de vue du fantassin qui essaie de traverser ce coin où il y a le plus de mines au mètre carré de toute cette zone de guerre, Pinkville, c’est pas vraiment la vie en rose : des bicoques en terre, la plupart du temps désertées, des pagodes bombardées, la tronche ouvertement hostile des habitants, des hectares et des hectares de gadoue, une rizière derrière l’autre, un labyrinthe dégueulasse de tunnels élaborés, d’abris à bombardements et de tombes.
    L’endroit tient son nom de l’ombre chatoyante de couleur rose éléphant qui se trouve sur les cartes militaires et qui renvoie à ce que la légende décrit comme une « région urbanisée ». Peut-être que ça a été le cas un jour. Peut-être qu’il y a de ça très longtemps, Pinkville était un coin prospère de la province de Quang Nhai. Ce n’est plus le cas.
    La compagnie

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