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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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pires maladies, et certains étaient tellement convaincants qu’ils auraient réussi à duper la plus sceptique des infirmières du lycée.
    Quand ils traversent les paillotes et ce trou à rat étouffant qui s’appelle Pinkville, la plupart des mecs de la compagnie Alpha parlent très peu de la mort. En parler, ça fout la poisse – le pire des mauvais sorts qu’on puisse s’infliger. La mort, c’est tabou. Le terme utilisé pour se faire tuer, c’est se faire « dégommer ». Quand tu tombes sur une Bouncing Betty et qu’elle t’éclate en mille morceaux, tu te fais dégommer.
    La peur, c’est tabou. On peut y faire allusion, comme ça, en passant, bien sûr, mais il faut toujours accompagner ça d’un haussement d’épaules, d’un sourire vaguement forcé, avec une résignation et une indifférence évidente. Tout cela retire son sens à la notion de courage. Impossible, de regarder la peur et la mort dans les yeux, en tout cas, pas tant qu’on est sur le terrain, et ainsi on n’a aucun moyen de faire face à la question.
    — Tu vas pas raconter que t’es un héros quand t’as une médaille épinglée à la chemise et que t’as l’impression d’être le champion du monde.
    Doc ne comprenait pas pourquoi je lui demandais quelle avait été sa motivation quand il était sorti comme un malade de son trou, pendant que l’ennemi canardait, et tout ça pour aller foutre des chiffons sur le torse d’un soldat qui était en train de mourir.
    — C’est comme ça que j’ai réagi, c’est tout.
    — Est-ce que t’avais l’impression que c’était la bonne chose à faire ?
    — Nan. Ni la bonne, ni la mauvaise.
    — Est-ce que tu te disais que tu risquais ta peau ?
    — Ouais, sûrement. Mais peut-être pas. Quand un type gueule pour appeler le toubib, si t’es toubib, tu cours dans la direction où t’entends gueuler. Ça se résume à ça, en gros.
    — Mais tu te dis pas que tu pourrais mourir ?
    Doc avait les jambes croisées, penché sur une boîte de ration C qui avait l’air de l’absorber profondément.
    — Nan. Je vais pas mourir ici.
    Et il s’est marré :
    — Peut-être que je vais jamais mourir. Peut-être que je me demandais juste pourquoi j’avais rien senti me toucher. Il y a bien une balle qu’aurait dû me toucher, ça canardait tellement. C’est comme si j’avais couru et que j’attendais une sorte d’explosion ou un gros coup dans le dos. J’ai toujours l’impression que c’est mon dos qui est le plus à découvert.
    Avant la guerre, mes héros préférés étaient toujours des types imaginaires. Nick Adams, Alan Ladd (dans Shane), le capitaine Vere, Humphrey Bogart proprio du Café Américain, Frederic Henry. Surtout Frederic Henry. Henry était capable de rentrer, de laisser tomber la guerre, d’être pourtant un bon soldat, un soldat courageux, mais de la laisser tomber parce qu’il avait trouvé le grand amour, et même si les gars avec lesquels il se battait lui manquaient, la peur et le fait de devoir tuer ne lui manquaient pas le moins du monde. Et Henry, comme tous mes héros, n’était pas obsédé par la notion de courage (11)  ; il savait que le courage n’était, que l’une des parties de la vertu, et que la vertu était aussi constituée d’amour et de justice.
    Avant de faire le Viêtnam, tous mes héros, sans exception, étaient des types coriaces et réalistes. Sans exception, ils se sentaient à l’écart du groupe, étaient capables de monter à l’étage et de mater la foule de tout là-haut. Allongé dans la forêt, Adam regarde en bas et voit ce qui se passe. Bogie, dans son bureau, observe la table de roulette et les voyageurs qui se trouvent en bas. Vere, élevé ; le Star, en quête de justice. Shane, qui aime le garçon mais déteste la violence, qui regarde vers le bas et dit au revoir, perché sur son cheval trapu.
    Sans exception, tous mes héros étaient des êtres sages. Vere est peut-être l’exception qui confirme la règle. Mais quand il permet à Billy Budd de mourir, il est tout de même en quête de justice, tourmenté par un besoin de sagesse, voire d’omniscience. Cela dit, Shane, Adams, Bogart et Henry ont très certainement traversé de nombreuses épreuves, ils ont déjà une grande connaissance du monde, et ils ont appris tout ça à travers leurs propres tragédies.
    Et chacun d’entre eux était courageux. Adams, allongé sur le sentier, qui tient jusqu’au bout. Bogie : comment un homme

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