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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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se prendre la tête avec lui, il se faisait tard et tout le monde était pressé de bouffer un truc chaud. On a tourné le dos au village et on a filé.
     
    *
     
    Après cette troisième bataille de Bull Run, le capitaine Smith a essayé de reprendre de l’autorité, mais les lieutenants préféraient l’éviter poliment. Les gars se foutaient ouvertement de lui. On entendait des conversations à moitié sérieuses sur le fait que c’était désormais un homme à abattre. Les Noirs le détestaient, ils racontaient qu’un des ces quatre un gars allait coller une grenade dans le trou ou il dormait, alors autant dire qu’on faisait tous bien attention de pas pioncer trop près du capitaine Smith.
    Il avait un sens de l’orientation grotesque. On arrivait tout le temps en retard à destination. Il ne savait jamais trop où il était ni où il fallait aller. Quand il demandait des tirs d’artillerie pour marquer les positions de la compagnie, il pointait parfois le doigt sur un coin du ciel, histoire de nous montrer que la roquette allait péter là-bas, et le truc explosait directement derrière lui. Il se moquait de ses chefs de section et leur gueulait dessus sous prétexte qu’ils le paumaient exprès.
    Vers la mi-juillet, on nous a envoyés faire une opération de combat d’assaut dans un village qui brûlait. Les avions à réaction balançaient des tonnes de napalm. De l’autre côté, il y avait une compagnie engagée contre l’ennemi, dans un vacarme de violence et de désespoir, et alors qu’on descendait, on pouvait les entendre appeler les hélicos, à la radio.
    On a atterri, on s’est dispersés et on a commencé à avancer dans le bled. La première section s’est aussitôt fait attaquer. Une grenade a bousillé le testicule gauche d’un lieutenant. Les coups de feu ne venaient pas de loin et faisaient un bruit du tonnerre, comme le bruit d’une colonne de bleus s’entraînant au tir à Fort Lewis. Smith a gueulé un truc à la troisième section, après quoi ils ont tracé, se sont couchés à plat ventre et se sont mis à tirer sur une haie. L’échange de coups de feu a duré cinq minutes. Alors l’opérateur radio de la première section a appelé. Il a expliqué que son pote s’était fait descendre. Son chef de section était mutilé.
    On a appelé le commandant du bataillon, un colonel dur comme le fer qui faisait le tour du village en hélico et qui donnait ses ordres de là-haut. On lui a demandé de descendre et de venir chercher les blessés. Le colonel a dit qu’il allait essayer ; il voulait qu’on lui dise s’il y avait un coin ou il pouvait atterrir en toute sécurité. Il tournait, là-haut, dans les airs, et voulait savoir où se trouvait l’ennemi. Ensuite, il nous a demandé si l’hélico était urgent, et il nous a expliqué qu’on devait appeler le quartier général afin qu’ils nous envoient une ambulance aérienne dans les normes.
    La radio de la première section nous a interrompus.
    — On a deux mecs gravement touchés. Besoin d’un hélico d’urgence, je répète, d’urgence. L’un d’entre eux va mourir. Une question de minutes.
    — Bien reçu, a répondu le colonel.
    Son hélico est venu frôler le dessus des arbres pendant qu’il scrutait le champ de bataille. Il a continué de survoler les lieux pendant cinq minutes, et puis il nous a dit d’appeler un hélico en suivant les procédures normales :
    — Bordel de merde, je peux pas tout faire ! Faut que je commande cette opération.
    On a dit qu’on comprenait, mais le gars de la première section nous a interrompus pour expliquer que son pote était touché aux poumons, qu’il avait une plaie soufflante et qu’il allait crever s’il ne recevait pas des soins au plus vite.
    — Soldat, t’as rien à foutre sur cette ligne. Tu fais tes putains de demandes par l’intermédiaire de ton chef. Fini, tout ça.
    — Bien compris, chef.
    Le gars de la première section a fait une pause, puis il a renvoyé un nouveau message pour nous dire que son chef avait maintenant perdu connaissance et qu’il pissait le sang.
    Les avions à réaction pilonnaient le village. À chaque fois qu’ils passaient, de la fumée emplissait l’air ; puis un autre avion à réaction est venu gémir au-dessus de nous, survolant le village, dans la fumée. Encore plus de fumée. On gueulait comme des malades pour se faire entendre, tout en tirant sur l’ennemi, dans les haies, en attendant l’arrivée

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